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jeudi 9 juillet 2020

Les scientifiques prennent le gaz hilarant très au sérieux

Par Paul Ricaud — 
Des cartouches de protoxyde d'azote, normalement utilisées  pour les siphons a chantilly. Ce gaz est depuis quelques années utilisé comme gaz hilarants.
Des cartouches de protoxyde d'azote, normalement utilisées pour les siphons a chantilly. Ce gaz est depuis quelques années utilisé comme gaz hilarants. Benjamin Polge

Une étude de l'Anses dévoilée ce jeudi insiste sur la dangerosité de cette drogue légale, pourtant perçue comme inoffensive, qui séduit notamment les plus jeunes.

Des petites cartouches métalliques : à première vue, la dernière drogue à la mode n’a pas l’air d’un fléau. Vendue dans le commerce comme recharge de gaz pour les siphons à chantilly, elle est à la portée de tous, y compris des mineurs et de toutes les bourses (autour de 50 centimes la cartouche). Sur des sites spécialisés, on peut même s’en procurer en grosses bonbonnes – parfois, les ballons de baudruche qui servent à inhaler le gaz sont offerts. Pourtant, le protoxyde d’azote, communément appelé «gaz hilarant», inquiète les scientifiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Dans un rapport publié ce jeudi, les experts alertent sur une augmentation de la consommation chez les moins de 25 ans en France et sur l’urgence d’informer sur les dangers de l’usage de cette drogue détournée.

C’est en étudiant les données recueillies par les centres antipoison de France de 2017 à 2019 que les rédacteurs du rapport ont confirmé leur intuition : «70% des cas concernent la seule année 2019, explique la coordinatrice de l’étude, Cécilia Solal. Il y a bien un effet de mode autour de cette drogue en France.» Pour elle, cette tendance pourrait être liée à la grande disponibilité du produit, peu cher et sans encadrement spécifique. Alors qu’il y a une dizaine d’années, il était consommé dans des milieux plus confidentiels, on le retrouve aujourd’hui dans la rue, les festivals ou les soirées étudiantes.

Des centaines de cartouches par jour pour les accros

Le «proto» jouit d’une plutôt bonne image, tant ses dangers sont encore méconnus du grand public. Les symptômes qui découlent de sa consommation sont surtout neurologiques et musculaires : fourmillements, contraction des muscles, maux de tête ou encore vertiges et troubles de l’équilibre. Certains cas étudiés évoquent des pertes de connaissance et des comas. Cécilia Solal : «Ça montre bien que les effets réels du protoxyde d’azote sont contradictoires avec son image de drogue inoffensive.»
En respirant le protoxyde d’azote dont ils ont rempli des ballons, les consommateurs sont à la recherche de quelques secondes d’euphorie et de fous rires. Mais la durée de ces effets ne dépasse pas une minute, ce qui pousse les plus accros à en prendre des quantités impressionnantes. «Certaines personnes vont jusqu’à ingérer plusieurs centaines de cartouches par jour», détaille la toxicologue. Car ce n’est pas qu’une drogue récréative. Sur l’ensemble des cas étudiés par l’Anses, la moitié concerne des consommations à domicile, en journée, sans contexte festif. Parmi eux, il y a le cas de deux jeunes filles de 21 ans. Lorsqu’elles contactent le centre antipoison, elles déclarent «avoir consommé à elles seules l’avant-veille 600 cartouches de protoxyde d’azote et la veille, 500 cartouches». Les symptômes qui les inquiètent sont alors des vertiges, des pertes de connaissance, une gêne respiratoire ou encore des douleurs dorsales. L’un des cas étudiés par le rapport déclare prendre «300 à 400 cartouches par jour depuis six mois».

Sensibiliser les milieux scolaires

La plupart des consommateurs sont des jeunes hommes. L’âge médian est de 21 ans, mais la coordinatrice précise «qu’il y a aussi beaucoup de lycéens, voire de collégiens». Le plus jeune cas étudié dans le rapport est âgé de 14 ans. D’où la nécessité pour l’Anses de sensibiliser dans les milieux scolaires, où rien n’est prévu sur le sujet pour le moment. Pour les experts, la priorité est de combattre l’image positive accordée au «proto» malgré sa dangerosité, en attendant une législation spécifique sur la question. «C’est un sujet qui émerge depuis quelques années, maintenant l’idée est qu’il faut arrêter cette mode», ajoute Cécilia Solal. L’année dernière, un homme de 19 ans était mort d’un arrêt cardiaque lors d’une fête après avoir ingéré du gaz hilarant.
Depuis 2019, l’élaboration d’une loi pour interdire la vente de protoxyde d’azote aux mineurs est en cours. Votée à l’unanimité par le Sénat, la proposition de loi devrait bientôt passer devant l’Assemblée nationale, dont l’agenda a été modifié par la crise du Covid-19.
Pour limiter le détournement des cartouches par les adultes, l’Anses propose aussi de restreindre la quantité de cartouches disponibles à l’achat et d’apposer un nouvel étiquetage sur les produits. «Aujourd’hui, rien sur l’emballage ne signale les risques de l’usage détourné de protoxyde d’azote», précise la scientifique, avant d’ajouter que la loi ne dit rien non plus sur l’incitation à la consommation des distributeurs. Aujourd’hui, c’est au niveau local que les réglementations sont mises en œuvre. Dans le Nord par exemple, où les cartouches jonchent les sols de plusieurs villes, des arrêtés municipaux interdisent leur vente aux mineurs et leur consommation dans l’espace public.

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