Jean-Claude Fontaine a été médecin généraliste en Normandie pendant quarante ans. Avant de ranger son stéthoscope et de prendre sa retraite, il a effectué une tournée d’adieu à ses patients. C’est cet au revoir que raconte cette nouvelle série de podcasts : l’histoire d’une médecine de campagne vitale pour le lien social et le portrait en creux d’une France rurale dépeuplée.
«Le fait que les autres vont mieux, nous aussi, on va mieux.» Apaisée, la voix de Jean-Claude Fontaine est d’une douceur communicative, empreinte aussi d’une pointe de soulagement. Dans quelques jours, ce médecin de Condé-sur-Noireau, dans le Calvados, prend sa retraite. Quarante ans au service de ses patients, pendant lesquelles il s’est efforcé d’être fidèle à son serment : faire le bien autour de lui.
Aline, la fille de Jean-Claude Fontaine, n’a pas connu le Condé-sur-Noireau détruit par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Elle a grandi dans une petite ville prospère, avec piscine, cinéma, bibliothèque et écoles de musique. Les usines (Masoneilan, Honeywell, Ferodo…) faisaient vivre une bonne partie des 6 500 habitants, et l’on venait de loin pour s’approvisionner en Choc iceberg. Le fameux chocolat à la menthe fabriqué dans l’une des pâtisseries de la ville, à l’effigie de l’explorateur Dumont d’Urville, né sur ces terres. La fierté des Condéens.
Mais, au début des années 2000, les temps ont changé. Les usines délocalisées en Europe de l’Est. Chômage, regroupements d’écoles… Même le Choc iceberg a fondu, et sa devanture remplacée par une agence immobilière ou un magasin de prothèses auditives. Aline ne sait plus, tout s’est brouillé si vite, tout a vieilli si rapidement. Son père, le médecin, fut l’un des rescapés de l’âge d’or de Condé. Du matin au soir, sous tous les crachins imaginables, il continuait à sillonner les routes normandes pour veiller sur ses patients, presque devenus des membres de la famille.
Fin 2017, lui aussi a décidé de battre en retraite. Aline s’est demandé : que va-t-il rester de ce territoire, des repères que «son papa» a donnés à ses patients ? Pendant les derniers jours de sa carrière, elle l’a accompagné et a capté ces scènes de vie ordinaire dans lesquelles l’altruisme, le dévouement et la solidarité n’empêchent pas la violence, la souffrance ou la peine.
Depuis, la crise du Covid-19 s’est chargée de rappeler à nos sociétés le rôle essentiel des soignants. Au revoir les patients témoigne de la fragile survivance du lien social, maintenu par les médecins généralistes «de campagne» auprès de populations souvent vieillissantes, isolées ou fragiles. Dans un monde qui apparaît menaçant, le médecin demeure une figure rassurante. Avec, derrière la pudeur dévouée du praticien, le temps qui passe. Loin des services de réanimation des hôpitaux, les instants d’humanité captés par Aline Fontaine ont quelque chose de lumineux, alors que s’éteignent les certitudes d’une France rurale qui se dépeuple.
Ecouter le podcast :
Sommaire des épisodes
Episode 1 : l’annonce de la retraite du médecin provoque la tristesse d’une patiente. «On va le regretter», lâche-t-elle, des sanglots dans la voix.
Episode 2 : une patiente refuse son placement dans un Ehpad ou la prescription d’une aide à domicile. La confrontation tourne à la dispute.
Episode 3 : la médecine de campagne connaît de profonds changements. Le lien social incarné par le médecin est-il menacé ?
Episode 4 : quarante années d’exercice ont créé des liens étroits entre le médecin et ses patients qui partagent de nombreux souvenirs communs.
Episode 5 : l’exercice de la médecine exige un dévouement quotidien. Cette générosité doit beaucoup au cadre familial dans lequel évolue le médecin.
Episode 6 : visite à une patiente désorientée, placée dans un centre spécialisé. La prise en charge des personnes âgées est un enjeu majeur des politiques de santé.
Episode 7 : dernière visite avant la retraite. C’est la fin de quatre décennies de bons et loyaux services.
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