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jeudi 16 juillet 2020

Les familles monoparentales durement éprouvées par le confinement

Beaucoup de mères se disent heureuses, a posteriori, de ces moments partagés en famille. Un bonheur contrarié par les difficultés financières et l’absence de relais au domicile.
Par  Publié le 16 juillet 2020
Pour décrire la monoparentalité, Olivia Barreau, mère célibataire de deux enfants de 5 et 10 ans, a cette formule : « Tout se rétrécit petit à petit, on se retrouve vite en vase clos avec ses enfants, on s’épuise et on s’oublie énormément. » Parions que la définition de cette Parisienne de 39 ans, fondatrice de l’association Moi et mes enfants, qui vient en aide aux familles monoparentales, fera écho à l’expérience vécue par nombre de parents d’enfants et d’adolescents pendant le confinement.
Alors que beaucoup d’entre eux confient avoir été éprouvés par ce tête-à-tête contraint, comment les familles monoparentales, considérées comme plus fragiles que les autres, ont-elles vécu ces quelques mois ?
La plupart des mères que nous avons sollicitées se disent heureuses, a posteriori, de ces moments partagés, vécus comme un temps de pause dans un quotidien souvent éreintant. C’est le cas, par exemple, d’Ambre, qui se réjouit d’avoir pu voir évoluer sa petite dernière, âgée de 3 mois au début du confinement, une parenthèse certes épuisante mais un « cadeau inattendu », dit-elle.

Difficultés financières accrues

« On s’est beaucoup rapprochés, les enfants ont réussi à comprendre les difficultés de notre petite famille, ils ont réalisé que maman gère toute seule, ils se sont rendu compte que c’est compliqué », estime de son côté Adeline Courmailleau, mère de deux enfants de 8 et 14 ans et fondatrice d’une association de « parents solos » dans le département des Landes.
Pour Véronique, 47 ans, qui vit en périphérie de Rouen avec deux de ses trois enfants, « ce retour au cocon familial a été appréciable. D’un coup on a été mis au repos forcé, cette pause purement familiale m’a fait du bien », admet-elle. Il n’empêche que le bonheur d’être ensemble a été contrarié par les difficultés financières qui se sont accrues. La hausse du budget consacré à l’alimentation, en l’absence de cantine scolaire, a en particulier pesé, poussant les familles à redoubler d’inventivité.
« On a beaucoup cuisiné, j’ai appris à mes filles à faire des tas de gâteaux maison qui durent plusieurs jours, pour limiter les dépenses, confie Ludmyla, Parisienne de 35 ans, qui vit seule avec ses cinq filles, âgées de 5 à 12 ans. Pour les goûters, par exemple, je m’autorisais à acheter des fruits, mais fini les gâteaux. On a fait beaucoup de beignets, de crêpes… »
Pour les plus précaires, l’absence des relais associatifs habituels, inopérants les premiers temps, a entraîné des privations. Ce fut le cas pour Sandrine, 39 ans, mère d’un petit garçon de 5 ans. « Il m’est arrivé de laisser passer quelques repas, mais ce n’est pas grave. L’essentiel, c’est que mon fils n’ait pas manqué. Heureusement, au bout de quelques jours j’ai pu aller chercher des colis alimentaires, sinon ç’aurait été très compliqué », concède-t-elle.
« Cette période particulière a mis en lumière les difficultés de ces familles, qui sont à 85 % dirigées par des femmes, résume Cathy Ngangue, secrétaire générale de la Fédération syndicale des familles monoparentales. A Marseille, par exemple, nous avons eu des familles qui n’étaient pas répertoriées par les travailleurs sociaux mais qui se sont retrouvées dans des situations critiques du jour au lendemain. » Elle pense notamment au sort de ces femmes autoentrepreneuses, soudainement privées de revenus et contraintes de recourir à des aides alimentaires, « un véritable choc » pour nombre d’entre elles.
« Découvrir que tant de familles avaient faim » a mis en colère Josette Elombo, à la tête de l’association Yachad, qui intervient auprès des familles en détresse habitant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, dans le sud de Paris. « Les premières semaines, quand tout a fermé, les relais habituels, comme les Restos du cœur par exemple, n’étaient plus accessibles, ou les familles avaient peur de s’y rendre. J’ai dû aller acheter à manger pour des familles pendant tout le confinement. » Pour la responsable associative, il est nécessaire d’organiser des soupapes à destination des familles durant l’été. « Elles ont besoin que leur charge mentale soit allégée, c’est explosif », prévient-elle.

Chacun son « système D »

Pour soulager les familles de son réseau justement, Olivia Barreau, qui intervient dans le 13arrondissement de Paris, a organisé pendant le confinement un « centre de loisirs 2.0, avec des comédiens qui faisaient des ateliers en visioconférence ». Elle a aussi mis en place de l’aide aux devoirs virtuelle, grâce à des bénévoles. « Même si ça ne durait que deux heures, c’était toujours ça de pris », sourit-elle. Une respiration nécessaire pour endurer la situation, dit-elle, en plaidant pour la mise en place de relais spécifiquement destinés aux parents solos en cas de nouvelle vague épidémique.
En l’absence de relais à leur domicile, beaucoup craignaient particulièrement de tomber malade au moment du pic de contaminations. Auxiliaire de vie, et donc dans l’impossibilité de télétravailler, Adeline Courmailleau, 31 ans, a choisi dans un premier temps de confier ses deux enfants à ses parents. « Ça a été très dur, parce que le deal avec mes parents, qui n’ont pas une santé de fer, était que je ne les approche pas du tout. Je venais leur parler depuis la rue, et eux restaient dans le jardin. Au bout d’un mois, je n’ai plus tenu, ils sont revenus vivre à la maison. » Dès lors, il a fallu jongler, en s’appuyant beaucoup sur son aîné de 14 ans. « Je revenais déjeuner avec eux tous les midis et je les appelais à intervalles réguliers toute la journée, pour m’assurer que tout allait bien, mais j’étais constamment inquiète. »
Chacune a une anecdote, un « système D » qui lui est propre ; l’une s’est organisée pour que sa belle-sœur vienne garder les enfants afin de faire les courses, l’autre a sollicité le père des enfants pour lui permettre de combiner la garde des enfants avec la poursuite du travail… « On a des infirmières de nuit qui n’ont pas eu d’autre choix que de cesser de travailler pendant toute la période, faute de solution de garde », indique Cathy Ngangue. Plusieurs mères accompagnées de petits enfants ont aussi signalé avoir été refusées à l’entrée de magasins, une situation dénoncée à l’époque par le Défenseur des droits et la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes d’alors, Marlène Schiappa.
Dans ce quotidien sans guère de répit, les familles monoparentales ont aussi dû faire face, comme les autres, à la difficile expérience de la classe à la maison, une gageure en l’absence de matériel informatique. Ce fut sans conteste « le plus gros point noir du confinement » pour Ludmyla. Sans ordinateur, elle a dû partager son téléphone portable avec ses cinq filles, scolarisées de la moyenne section de maternelle au collège. « J’ai eu des professeurs au téléphone qui ne comprenaient pas pourquoi des devoirs n’étaient pas rendus, j’ai dû leur expliquer notre situation, mais les résultats ont été catastrophiques », explique la jeune femme, agente restauratrice dans un foyer de jeunes travailleurs.
Nassera, deux enfants de 9 et 11 ans, en a profité pour initier ses enfants au jardinage, sur son bout de balconnet. Jointe par téléphone, cette artiste de 47 ans conclut d’ailleurs notre échange par une requête : « Peut-on dire aux architectes, pour les futures constructions, même pour les petits logements, de mettre un balcon ? Ça fait tellement de bien, avec les enfants, de sortir une tête dehors et de voir le soleil. »

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