Grand résistant, il découvre la psychanalyse en 1947 et fonde l’Association psychanalytique de France avec son ami Wladimir Granoff. Auteur qui plaça l’amour au cœur de son œuvre et de son existence, il est mort le 7 juillet à Paris à l’âge de 99 ans.
Né à Paris le 14 novembre 1920, Jean-Claude Lavie est mort dans cette même ville le 7 juillet. Fervent parisien, il ne voyageait guère sinon pour s’élancer dans les airs grâce à son trapèze volant planté au sommet de sa terrasse de l’avenue de l’Opéra.
Issu d’un milieu juif et laïc, il avait été élevé par son père, Prosper Lévy (1977-1943), dans l’amour de la culture et de la beauté. Toute sa vie, il se souviendra de l’atmosphère proustienne de ses vacances d’enfance à Cabourg (Calvados). C’est en 1943, à la mort de ce père aimé, qu’il s’engage, sous le nom de « JC », dans la résistance armée en rejoignant le SOE (Special operations executive), service secret britannique chargé des actions de sabotage et du soutien à la Résistance intérieure française. Chef d’un réseau indépendant, le jeune homme de 23 ans avait déjà un goût prononcé pour le secret au point que, plus tard, il ne voudra jamais évoquer ni ses origines, ni ses actions héroïques, ni la période de l’Occupation, sauf pour dire qu’il haïssait le maréchal Pétain.
Après avoir fait dérailler des trains, Lavie participe à la Libération de Paris puis s’engage aussitôt dans la bataille finale contre le nazisme en intégrant, comme conducteur de char, la 2e division blindée du général Leclerc. Il ira jusqu’à Berchtesgaden afin de déloger Hitler de son Nid d’aigle. Démobilisé en 1945 et décoré de la croix de guerre, il ne retournera jamais en Allemagne.
En analyse avec Lacan
C’est en 1947 qu’il découvre la psychanalyse en lisant l’autobiographie de Freud. Il se dirige alors vers la Société psychanalytique de Paris (SPP), où il rencontre Daniel Lagache, qui lui conseille de poursuivre des études de médecine, voie royale à l’époque pour devenir psychanalyste. Il entre en analyse avec Jacques Lacan (1901-1981), qui réunit autour de lui les plus brillants freudiens de son époque, et c’est au Séminaire de celui-ci qu’il croise Wladimir Granoff (1924-2000), qui sera son ami le plus cher.
Elevé en Alsace dans le sérail de l’intelligentsia juive émigrée de Saint-Pétersbourg, Granoff, surnommé « Wova », était un aristocrate de la pensée freudienne, polyglotte et lacanien de la première heure, passionné autant de voitures anciennes que de psychanalyse. En 1963, les deux amis, trop indépendants pour suivre un maître qui exigeait leur soumission, participent à la fondation de l’Association psychanalytique de France (APF, 1964) aux côtés de Jean Laplanche et de Jean-Bertrand Pontalis, lequel poussera Lavie à écrire. Il publiera tous ses articles dans la Nouvelle revue de psychanalyse (1970-1994).
En 1986, ce célibataire endurci tombe amoureux d’une délicieuse jeune femme, de quarante ans sa cadette, trapéziste comme lui, et qui deviendra sous le nom de Marie Lavie une artiste de talent, connue pour ses icônes inspirées de sœur Olympias, moniale de Patmos. Leur entente sera parfaite.
Auteur de plusieurs livres d’une rare élégance et d’un style raffiné – L’amour est un crime parfait (1985), Pour ou contre l’amour (2018) – tous publiés chez Gallimard, Lavie entretenait avec Granoff une relation fondée sur un « désaccord parfait » et sur un art de l’esquive dont on retrouve la trace dans sa conception de la cure. Lavie pensait que le patient exprimait une demande fantasmatique d’amour à laquelle il ne fallait pas répondre, alors que Granoff soulignait au contraire la nécessité d’un affrontement permanent. Et c’est parce qu’il cultivait l’idée que jamais on ne parvient à s’entendre avec l’autre, ni à emporter une quelconque adhésion, que Lavie put entretenir avec cet ami au long cours une relation fondée sur la controverse perpétuelle, d’où il ressort que nul ne détient jamais la vérité sur l’autre.
Lavie a fait de l’amour le principe même de sa vie. Aussi bien a-t-il soutenu que l’amour ne s’autorise que de lui-même en anoblissant ce qui fait souffrir. Quant à l’amitié, il l’a toujours défini comme une alchimie échappant à toute explication. Pour son dernier ouvrage, recueil de huit essais à paraître fin août (PUF) 2020, il a choisi un titre pour le moins transgressif : Le sexe dans la bouche. Une fois de plus, il y manifeste son art de l’esquive en inventant un dialogue impossible entre des protagonistes qui parlent chacun de sexualité à pleine bouche.
Jean-Claude Lavie en quelques dates
14 novembre 1920 Naissance à Paris
1943 S’engage dans les services secrets britanniques avant de rejoindre la 2e DB
1947 Découvre la psychanalyse
1964 Fonde l’Association psychanalytique de France
1985 « L’amour est un crime parfait »
2018 « Pour ou contre l’amour »
7 juillet 2020 Mort à Paris
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire