Paris, le samedi 25 juillet 2020 - Les discussions autour du projet de loi de bioéthique arrivent dans la dernière ligne droite. Si l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules accapare une grande partie des débats, d’autres dispositions moins exposées soulèvent également des passions. Récemment, c’est la question de l’autorisation (ou de l’interdiction) des expérimentations autour des « embryons chimériques » qui a soulevé une vive polémique.
Les termes de la polémique
Il est vrai que le mot « chimère » évoque un certain nombre de fantasmes. Entre imaginaire et science-fiction, le mot possède désormais une réalité scientifique. En 2017 notamment, des chercheurs américains, espagnols et japonais sont parvenus à implanter des cellules souches humaines dans des embryons de cochons, par la suite transférés dans l’utérus de truies porteuses. Les chercheurs ont laissé (quelques semaines) les embryons se développer, permettant ainsi d’assister à la formation d’un tissu musculaire humain.
Or, depuis l’adoption de la première version du projet de loi à l’assemblée nationale, le 15 octobre dernier, les dispositions relatives aux expérimentations sur les embryons soulèvent de vives oppositions dans les milieux conservateurs (mais aussi chez les associations de défense de la cause animale).
Où en sommes-nous ?
Un point sur l’état actuel du droit s’impose. L’article L2151-2 du Code de la santé publique fixe deux principes. D’une part, la constitution d’embryon humain par clonage à des fins de recherche est interdite, d’autre part « la création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite. »
Comme l’avait souligné le Professeur de médecine John De Vos, interrogé dans un article de FranceInfo du 19 octobre dernier, cette disposition est « relativement ambiguë ». Pourquoi ? Par manque de définition, le Code de la santé publique ne précise pas ce qu’il faut entendre par « embryon chimérique ».
Faute de précision, il était difficile pour les scientifiques de savoir si le législateur faisait uniquement référence à l’implantation de cellules souches animales dans un embryon humain, ou à l’implantation de cellules souches humaines dans un embryon animal (ou alors aux deux). L’ambiguïté faisait donc peser un risque juridique conséquent sur la recherche médicale.
Dans son rapport sur la révision de la loi de bioéthique, le Conseil d’Etat avait estimé que cette disposition « n’avait pas vocation à couvrir la recherche réalisée sur l'embryon animal ». En tout état de cause, l’Académie nationale de médecine avait estimé qu’une clarification législative s’imposait.
Quelles évolutions ? Quelles interrogations ?
Le 15 octobre dernier, le texte adopté en première lecture prévoyait une modification de cette disposition. Il supprime désormais la notion « d’embryon chimérique » au profit d’une meilleure délimitation du périmètre des recherches. Désormais, seule « la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite. » La disposition figure également dans le texte adopté le 3 juillet en deuxième lecture.
En clair, les recherches impliquant l’implantation de cellules souches humaines dans un embryon animal sont clairement autorisées. Une partie des critiques formulées au moment de l’adoption du texte en première lecture se retrouvent en effet infondées (l’archevêque de Paris, Michel Aupetit, avait indiqué que la loi « ouvrait la porte » à la « création d’êtres avec un patrimoine génétique d'homme et un patrimoine génétique animal »).
Et les animaux ? N’ont-ils pas des droits eux aussi ?
Mais certaines interrogations demeurent. Certes, le projet de loi prévoit que l'Agence de la biomédecine aura pour rôle de devenir le gendarme de cette recherche sur les embryons chimériques. Mais jusqu’où le chercheur aura-t-il le droit d’aller ?
L’implantation d’un embryon chimérique dans l’utérus d’un animal pourra-t-elle aboutir à une naissance ? La disposition de la nouvelle loi bioéthique ne fixe aucune limite claire dans l’utilisation des animaux qui restent, comme le rappelle le Code Civil « des êtres vivants doués de sensibilité ».
Charles Haroche
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