PAR
MARTIN DUMAS PRIMBAULT -
PUBLIÉ LE 20/07/2020
Crédit photo : Phanie
Financement, gouvernance, positionnement territorial… Ce mardi 21 juillet, Olivier Véran se verra remettre officiellement le rapport concocté par Nicole Notat et issu des sept semaines de réflexion du Ségur de la santé. Sans attendre, plusieurs dizaines de personnalités du monde de la santé ont publié un « manifeste citoyen pour un renouveau de l'hôpital public ».
Soignants, patients, étudiants, scientifiques, professionnels, académiciens, présidents et représentants d'associations et de syndicats, ils sont plus d'une centaine à réclamer un « électrochoc de transformation » pour permettre à l'hôpital public « solidaire, pierre angulaire de notre système de santé, au service de tous, y compris des plus démunis » de retrouver sa capacité à « soigner mais aussi former, chercher et innover ».
Les signataires réunis autour du Pr Bernard Granger, responsable de l'unité fonctionnelle de psychiatrie adulte à l'hôpital Cochin et candidat malheureux aux dernières élections à la commission médicale d'établissement (CME) à l'AP-HP, veulent aller plus loin que le Ségur de la santé, réponse à la crise jugée « insuffisante » car trop « technocratique et financière ». « Le crash test Covid-19 ne doit pas être le chant du cygne d'un système étouffé par une logique administrative et comptable », écrivent-ils. Le document liste cinq grands axes et douze points sur lesquels travailler pour « redonner du sens, de la fierté et de l'attractivité » à l'hôpital public.
Responsabilité populationnelle
Pour commencer, il est recommandé de recentrer les établissements publics sur un territoire et un bassin de vie donnés en collaboration avec l'ensemble des acteurs. La « capacité à réagir et à s'adapter » est mise en avant. Pour faire face aux crises sanitaires, les signataires demandent l'arrêt de la « fermeture des lits pour éviter une tension permanente devenue intolérable ».
Pour régler la question des urgences, le manifeste propose une meilleure répartition des missions entre la ville et l'hôpital sur la base des conclusions du pacte de refondation des urgences présenté en septembre 2019 par Agnès Buzyn alors locataire de Ségur. Sur le territoire doivent être mis à contribution tous les acteurs : EHPAD, SOS Médecin, centres 15 ainsi que maisons et centres de santé de ville. Les communautés professionnelles et territoriales de santé (CPTS) sont amenées à devenir l'autre jambe d'une politique de santé basée sur la « responsabilité populationnelle ». « Il faut passer d'une logique de compétition provoquée par la T2A à une logique de coopération et de dotation populationnelle modulée par des critères de précarité et de complexité », exhortent les signataires.
Logique d'investissement public
Une telle ambition passe nécessairement par un bouleversement de la gouvernance du système de santé. Dans ce cadre, les agences régionales de santé (ARS) devront évoluer pour laisser plus de pouvoir aux élus locaux. « Il faut passer d'une logique d'hyperréglementation fondée sur une interdiction avec dérogation (comme pour les marchés publics et les délégations de tâches) à un régime d'autorisations encadrées », énonce le manifeste.
À l'hôpital, les signataires veulent recentrer la gouvernance autour d'un projet médical partagé par l'ensemble des professionnels de santé et basé sur une « unité de base » de l'échelle d'un service ou d'un département. La direction de l'établissement devra ainsi être bicéphale avec un directeur administratif d'un côté et un directeur médical de l'autre, ce dernier pouvant être accompagné d'un directeur universitaire dans les CHU.
En outre, la recherche doit devenir une « priorité nationale » et sa gouvernance également revue autour des CHU chargés de faire naître des « réseaux de recherche » sur le territoire. La formation aussi devra intégrer une vision pluriprofessionnelle et faire la part belle aux évolutions techniques et numériques de l'hôpital. À terme, « la marque de l'hôpital public français, objet de fierté pour les soignants, doit être développée à l'international », imaginent les auteurs du manifeste.
Mais toutes ces recommandations ne pourront devenir réalité que si l'hôpital bénéficie d'une revalorisation nette de son financement. Les signataires appellent ainsi de leurs vœux un effort significatif sur l'objectif national de dépenses maladie (ONDAM) des prochaines années. Ils proposent en outre d'instaurer, en plus de cette enveloppe, une « logique d'investissement public » via le budget de l'État.
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