Comme toute pandémie, la vague mondiale de la COVID-19 fait peser une menace sur la santé physique et mentale des médecins soumis à rude épreuve, parfois au péril de leur propre vie. Pour documenter ce thème peu évoqué dans la littérature médicale, une enquête en ligne a été réalisée auprès de 152 praticiens du Bengale-Occidental (Nord-Est de l’Inde), avec l’objectif d’évaluer les connaissances, l’attitude et le comportement des médecins vis-à-vis de cette pandémie et son influence sur leurs niveaux de dépression, d’anxiété et de stress. Cette évaluation s’est basée sur les réponses de ces médecins à un entretien semi-structuré, réponses qui ont servi à calculer des scores à des échelles d’évaluation dédiées.
Dans cette population de médecins, ceux ayant travaillé auprès de patients atteints par la COVID-19 ont une prévalence élevée de morbidité psychiatrique. En effet, près de 35 % se disent déprimés, environ 40 % souffrent d’anxiété et 33 % de stress. Parmi les facteurs significatifs pouvant prédire cette morbidité psychiatrique du corps médical, on note sans surprise : l’âge, des comorbidités multiples, l’amplitude de la journée de travail et l’existence de mesures de protection (reflétant la gravité du contexte sanitaire). Mais aussi, de manière paradoxale, l’expérience dans le secteur de la santé et une forme de réaction altruiste aux difficultés socio-professionnelles.
Une modélisation en régression logistique montre que la plupart des facteurs sont significativement associés à la dépression, à l’anxiété et au niveau de stress. Les médecins agissent au mieux de leurs capacités, tout en protégeant les intérêts de leurs patients. Mais si l’implication altruiste et la fixation d’un objectif plus élevé sont certes des considérations importantes au sein de la communauté médicale, les auteurs de l’étude estiment que, pour limiter cette incidence négative de la COVID-19 sur la santé mentale des praticiens, il faut impérativement leur garantir en cette période stressante des mesures de protection adéquates. En particulier, permettre une réduction du temps de travail et promouvoir une stratégie de dépistage spécifique pour ces professionnels en première ligne. Dans la mesure où une dégradation de l’état de santé mentale des médecins peut affecter leur efficacité professionnelle, répondre au désarroi des soignants est un préalable indispensable pour une meilleure prise en charge des patients.
La conclusion des auteurs rappelle le propos du livre des professeurs Philippe Halimi et Christian Marescaux (Hôpitaux en détresse, patients en danger) paru en 2018 et dénonçant les effets dévastateurs pour les malades de la souffrance des soignants et de l’effondrement du système hospitalier.
Dr Alain Cohen
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