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mardi 27 août 2019

Ne pas verser dans l’antipsychiatrie

Publié le 26/08/2019




Analysant des commentaires sur un récent rapport du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies[1], le Dr N McLaren (un psychiatre exerçant dans la banlieue de Brisbane, en Australie) désapprouve une interprétation publiée précédemment[2] dans The Australian & New Zealand Journal of Psychiatry où les auteurs évoquaient un « biais antipsychiatrique » dans ce travail du rapporteur spécial des Nations Unies. Contestant cette interprétation, N McLaren affirme qu’il doit être possible de critiquer certaines difficultés de la psychiatrie, sans verser pour autant dans le mouvement antipsychiatrique.

Les auteurs de la première analyse soutenaient que « le rapport de l’ONU s’alignait sur le mouvement antipsychiatrique mondial », et qu’en participant ainsi à la « démédicalisation rampante de la psychiatrie au Royaume-Uni », ce rapport risquait de « jeter le bébé avec l’eau du bain. » Un argument de ces auteurs semble toutefois pertinent : « Les patients ne se préoccupent pas tant du bagage idéologique (de leur médecin) que de ce qui fonctionne », et tout traitement, même « purement biologique » doit être considéré, s’il est efficace. Mais si les psychiatres « n’apprécient peut-être pas les conclusions du rapporteur de l’ONU, » ils ne peuvent pas contester le fait que son rapport présente aussi les points de vue de tiers (autres professionnels, patients...) qui ne sont pas obligés de se faire l’écho servile de « l’opinion de la psychiatrie traditionnelle. » Et cette opinion est parfois contestable, surtout quand elle consiste à proposer « toujours plus » aux patients : plus de diagnostics, plus de médicaments, prescrits plus tôt, plus longtemps, à posologies plus élevées, et plus d’électroconvulsivothérapie. 

Mais tenir compte des critiques

Même si les psychiatres n’ont peut-être pas le sens de l’autocritique, peut-on affirmer que leur sentiment de fuite en avant vers le réductionnisme biologique s’apparente nécessairement à un glissement vers le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley ? Publiant lui-même des documents critiques sur la psychiatrie depuis près de 40 ans, le Dr N McLaren nie cependant l’existence d’un « mouvement antipsychiatrique global », en tout cas pas dans la lignée d’un Thomas Szasz[3] contestant la réalité des troubles mentaux et assimilant « tous les psychiatres à des charlatans. » N McLaren rappelle que la science progressant par autocritique, les psychiatres doivent tenir compte des critiques soulevées par le rapport de l’ONU, sans y voir un contexte antipsychiatrique : « Quand une autorité comme l’ONU dit que la psychiatrie ne se porte pas aussi bien que les psychiatres aimeraient le croire, il faut l’écouter. » Si le prétendu « mouvement antipsychiatrique global » n’est qu’un « fantasme », on déplore cependant une désillusion croissante et mondiale à l’égard de la psychiatrie que les psychiatres ne devraient pas ignorer.

[2] V. Dharmawardene & DB Menkes: Responding to the UN Special Rapporteur’s anti-psychiatry bias. Aust N Z J Psychiatry, 2019; 53( ): 282–283.

Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
McLaren N: Criticising psychiatry is not ‘antipsychiatry’. Aust N Z J Psychiatry, 2019; 53(7): 602–603.

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