—
A la Cité des dames, un centre d’accueil pour les femmes sans-abri, à Paris, le 11 janvier. Photo Cha Gonzalez
Dix-neuf ONG ont été reçues mardi à Matignon, six mois après la signature du «pacte du pouvoir de vivre». La présidente du Secours catholique, Véronique Fayet, déplore l’absence de mesures concrètes.
Les associations saluent «une porte ouverte» mais attendent maintenant du concret et des actes de la part du gouvernement. Six mois après la signature du «pacte du pouvoir de vivre», le Premier ministre a accueilli mardi à Matignon un aréopage de 19 ONG, syndicats et fondations. Un calendrier de travail pour les trois mois à venir a été fixé. Si la volonté de faire évoluer la méthode de dialogue est saluée par les partenaires sociaux, les initiateurs du pacte déplorent l’absence de mesures claires tout en rappelant l’urgence de la crise démocratique et sociale. Véronique Fayet, présidente du Secours catholique, analyse cette entrevue avec le gouvernement et désigne les moyens de promotion de la justice sociale.
Quel bilan faites-vous de cette rencontre ?
Après toute une phase où le gouvernement et le Président avaient pensé se passer plus ou moins des corps intermédiaires, il était important de rendre visible la volonté des syndicats et des associations de prendre la parole. Nous avons détaillé 66 propositions de manière concrète. Au mois de juin, nous avions pointé les huit mesures d’urgence à mettre en œuvre. Ce travail n’était pas simple car 19 organisations, c’est autant de points de vue. Nous avons ciblé des mesures prioritaires telles que les minima sociaux ou la rénovation thermique des bâtiments. Il est évident que la question écologique et la question de la pauvreté sont étroitement liées.
Que vous a inspiré la contestation sociale de cette année et le grand débat initié par l’exécutif ?
Il y a eu des mesures prises pour les classes moyennes qui paient des impôts, mais ceux qui vivent des minima sociaux ne paient pas d’impôts à part la TVA. Eux n’ont eu aucun signe de la part du gouvernement. Les bénéficiaires du RSA n’ont pas été entendus lors du grand débat. Le Secours catholique a produit un rapport à partir des 200 débats que nous avons organisés avec ceux qui vivent des minima sociaux ou de très petites retraites. Ils ont exprimé leur souffrance, leur colère, mais aussi leurs idées. Il faut un signal fort pour ces populations et voir ça non pas comme un coût, mais comme un investissement. Le Premier ministre n’arrête pas de nous dire qu’il a entendu le ras-le-bol fiscal. De notre côté, nous avons seulement entendu une volonté de plus de progressivité dans l’impôt sur le revenu.
Quel signal fort le gouvernement devrait-il envoyer ?
Avec une augmentation de revenu, et donc un signal de confiance, ces personnes se sentiraient plus fortes, plus considérées, pour réenclencher des démarches de recherche de travail. Il ne faut pas se leurrer : lorsqu’on a 500 euros par mois, on est occupé à survivre et à se demander comment on va boucler le mois. On n’a pas l’énergie pour se lancer dans un projet et retrouver un travail. Nous avons des dizaines d’exemples qui montrent que lorsqu’on active l’accompagnement social et les possibilités d’accéder à un emploi, les gens sont vite transformés. Cela ferait quelques milliards à dépenser mais le gouvernement a bien débloqué 5 milliards pour les baisses d’impôts…
Comment le pacte du pouvoir de vivre entend-il lier problématique écologique et questions sociales ?
Le gouvernement reconnaît l’urgence du problème mais on ne sent pas la volonté farouche d’accélérer les mesures et d’atteindre les objectifs de la loi, qui est la rénovation de 500 000 logements par an depuis 2017. Avec moins de 200 000 rénovations à ce jour, on est loin du compte. Nous souhaitons la mise en place d’interdictions de relocation des logements non rénovés. Le gouvernement a choisi d’obliger les propriétaires à faire de travaux, mais cela n’est pas assorti de sanctions. Il nous dit qu’il en proposera à partir de 2023 si la mesure n’a pas marché… C’est un sujet très emblématique de notre différence de points de vue. Tant que les propriétaires n’auront pas de signal fort, ils ne bougeront pas.
Comment est-il possible de vérifier la pertinence des mesures prises et de faire remonter rapidement les éventuelles incohérences repérées par le collectif d’associations ?
On veut mettre en place un observatoire du pouvoir de vivre, pour passer au crible toutes les politiques publiques et évaluer si elles contribuent à une plus grande justice fiscale, sociale et écologique. Par exemple, il ne s’agit pas d’avoir une stratégie de lutte contre la pauvreté et derrière d’adopter une réforme de l’assurance chômage qui ferait basculer des milliers de personnes de l’indemnité chômage au RSA. On sera amené à pointer des contradictions. La démarche est positive, responsable et citoyenne. Nous attendons des gestes concrets de la part du gouvernement dès le débat autour du projet de loi de finances 2020.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire