L’essai de Catherine Meig, clinicienne du travail, psychanalyste et consultante en management, rend accessibles quelques concepts et réflexions pour mieux comprendre et accompagner la souffrance au travail.
Le livre. A 46 ans, Maelisse a acquis, après dix-huit ans passés dans une compagnie d’assurances multinationale, une expertise très pointue de gestion des sinistres dans la marine : elle coordonne toute l’indemnisation au niveau mondial. Un jour, elle s’écroule. Impossible de se lever pour aller travailler.
Agée seulement d’une trentaine d’années, Sophie est quant à elle responsable « risques » dans la filiale d’une grosse banque, une autre compagnie d’assurances. Lors d’une visite médicale pour son petit garçon, elle fond en larmes quand le médecin lui demande comment cela va de son côté.
Ingénieur aéronautique dans une importante entreprise industrielle, à 41 ans, David pilote simultanément six gros projets d’informatique embarquée et manage une équipe de dix ingénieurs, plus des prestataires. Lorsqu’il arrive en consultation, il est en arrêt-maladie pour un burn-out depuis un mois et est encore très choqué par ce qu’il vit – « J’ai la mémoire comme une passoire »,explique-t-il.
Ces récits de prise en charge sont au cœur de J’ai mal au travail, le dernier essai, publié chez François Bourin, de Catherine Meig, clinicienne du travail, psychanalyste et consultante en management. « C’est une manière de rendre aux patients ce que j’ai appris d’eux et de les remercier de la confiance qu’ils m’ont accordée à un moment difficile de leur vie. »
« Esclaves » du travail
L’ouvrage se propose de rendre accessibles quelques concepts et réflexions pour mieux comprendre et accompagner la souffrance au travail et ses effets sur la santé, mentale et physique. La première partie se concentre la question du travail à travers différents cas de burn-out. Après leur récit, ces situations sont interprétées et complétées dans une seconde partie qui se veut plus théorique : un chapitre pose les principaux concepts à l’œuvre dans cette clinique du travail, à savoir la psychanalyse et la psychodynamique du travail ; un autre met en débat la spécificité de la clinique du travail.
Si elle n’a pas vocation à prendre parti, la clinique du travail flirte avec le politique, « puisqu’elle sera au premier rang pour analyser les incidences du système néolibéral sur les subjectivités et ses vicissitudes », estime la membre de l’équipe de recherche de l’Institut de psychodynamique du travail.
« L’inflation des processus, des normes et des reportings a alourdi le travail en appauvrissant le cœur du métier et en occultant le travail réel. Dans le même temps, l’évaluation individualisée de la performance a abandonné toute la responsabilité au seul travailleur. » Dès lors, la souffrance au travail explose, avec un nombre impressionnant de pathologies mentales ou somatiques.
« L’irruption de la maladie dans l’espace de travail dérange le modèle de l’Homo economicus qui croit à l’efficacité et à la rationalité stratégique, parce que ce sont les professionnels les plus investis qui s’effondrent. » En rappelant les limites et la vulnérabilité de l’homme au lieu de s’enivrer d’illusions sur l’excellence et la performance, en exerçant à nouveau leur pensée sur le travail au lieu de subir les injonctions, ces « esclaves » du travail, courageux jusqu’à en tomber malades, peuvent-ils redonner à l’entreprise l’humanité qu’elle a perdue ?
« J’ai mal au travail. Parcours en quête de sens », de Catherine Mieg. François Bourin, 320 pages
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