Marc Loriol : «Il faudrait une évaluation plus qualitative» DR
Pour Marc Loriol, sociologue spécialiste de l’hôpital, le nouveau management public, fondé sur la rationalisation à tout prix des dépenses, porte une vision du soin à l’opposé de celle du monde médical.
Marc Loriol est sociologue à l’Idhes (Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société).
L’hôpital est en crise, mais est-ce si particulier ?
Depuis la fin des années 70, le problème des conditions de travail et le sentiment des personnels de santé de ne pas avoir le temps sont bien présents. Ce n’est pas nouveau. Il y a eu une série de réformes, avec le budget global, puis la tarification à l’activité (T2A). Ce qui est nouveau, c’est l’accumulation. De réforme en réforme, tout a contribué à fragiliser les structures hospitalières, avec le développement de ce nouveau management public qui veut à tout prix rationaliser les dépenses, mais qui porte aussi une vision du soin très à l’opposé de celle du monde médical.
La ministre a dit clairement que ce système est à bout de souffle.
Oui, et elle a raison. Exemple : si on reste sur le niveau budgétaire, les hôpitaux perdent de l’argent, avec ce système des coûts moyens par pathologie qui pousse à raccourcir les durées de séjour, qui conduit à sortir les patients le plus vite des lits. Pour tenir, les établissements ont dû s’endetter. Cet endettement embarrasse les pouvoirs publics. D’ordinaire, quand une entreprise est trop endettée, elle va déposer son bilan. Là, ce n’est ni possible ni envisageable.
Certes, mais les hôpitaux n’ont pas à être gérés comme des entreprises. L’idée, aujourd’hui, est de parler en termes d’efficacité, d’efficience, mais qu’est-ce que cela veut dire ?
C’est difficile de répondre, d’autant que les maladies chroniques deviennent de plus en plus présentes. Pour les maladies aiguës, on peut répondre sur l’efficacité des traitements et de la prise en charge. Mais sur les maladies chroniques, comment fait-on ? D’où les grandes difficultés des hôpitaux locaux, des Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ndlr]…
Que peut-il se passer ?
Nous tirons sur la corde depuis des années. Des tendances lourdes s’ajoutent, avec le vieillissement de la population, les progrès techniques qui apportent certes de l’efficacité, mais aussi de nouvelles offres thérapeutiques au coût parfois élevé, et puis des difficultés de recrutement du personnel… Bref, l’avenir n’est pas simple.
Il faudrait en tout cas revoir l’évaluation de la qualité des soins, aller vers une évaluation plus qualitative et plus sociale.
Vous êtes inquiet ?
Avant, il existait une solidarité plus forte entre les personnels, ce qui permettait aux uns et aux autres de prendre du recul. Aujourd’hui, en termes de risques psychosociaux, c’est beaucoup plus tendu. Chacun est enfermé dans son coin, avec ces mécanismes de burn-out.
Et pour le patient ?
Si on ne fait rien, on n’échappera pas à une dégradation réelle de la qualité des soins. On risque une lente érosion, avec l’apparition de différents types d’hôpitaux selon les niveaux sociaux de la population.
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