Strasbourg, le samedi 19 mai 2018 – « Madame, je vais mourir ». La voix est tremblante, suppliante. La réponse est cinglante, ne tient nullement compte de la détresse exprimée. Des informations (non médicales) sont lâchées sans compassion. L’appel est terminé. La solitude et l’angoisse reprennent toute leur place. Et comme elle le ressentait si profondément, la jeune femme va mourir. Elle avait 22 ans. Elle avait une petite fille. Elle avait tenté d’appeler les secours, elle croyait que les services disponibles en France, leur disponibilité et leur technicité, pourraient permettre d’éviter le pire. Mais sa souffrance n’a pas été entendue. Aucune question pour tenter de préciser les symptômes, déterminer si cette douleur était inédite. Rien. « Appelez SOS médecins » lui a-t-on intimé. Et Naomi est morte.
Emotion unanime
Ces détails ont été révélés au public par un média de Strasbourg où vivait Naomi, quatre mois après sa disparition, quatre mois après une autopsie réalisée dans des conditions qui apparemment n’ont pas permis d’expliquer les causes de son décès. La courte conversation entre l’agent de régulation médicale (ARM) et Naomi a été entendue par la France entière qui a été immédiatement bouleversée. Pour les personnes qui prennent chaque jour en charge des patients en urgence, l’émotion se double d’une incompréhension. Comment ceux qui sont appelés au secours peuvent-ils annihiler en un instant tous les espoirs d’être sauvés ?
Dictature de l’émotion
Témoignant de l’ampleur du trouble, les commentaires ont été nombreux sur la toile (et bien sûr sur le JIM). Outre les témoignages évoquant des prises en charge tout aussi brutales et inefficaces, outre les insultes et délires dont se sont gorgés les réseaux sociaux, plusieurs blogueurs ont tenté d’analyser les ressorts et enjeux de cette affaire. « Les faits divers ont ceci de passionnants qu’ils révèlent un certain nombre de ressorts profonds d’une société » remarque ainsi sur le site Causeur dans une tribune libre l’avocat Régis de Castelnau, qui anime le blog Vu du Droit. Il s’attarde notamment sur le « climat irrespirable » qui s’est installé sur internet et qui a pris pour cible l’opératrice, dont il considère qu’elle a servi à tous de « bouc émissaire sur mesure ». « Les autorités sanitaires, administratives et médicales ravies de disposer d’un bouc émissaire sur mesure se défaussent sur la salariée qui porte ainsi toute seule le poids entier de la terrible faute.
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