Régis Aubry, membre du Comité consultatif national d’éthique, est le corapporteur de l’avis publié mercredi sur la façon dont la société française traite ses « vieux ».
Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs du CHU de Besançon et membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), est le corapporteur de l’avis publié mercredi 16 mai.
Pourquoi le CCNE s’est-il saisi de la question des Ehpad et du vieillissement ?
C’est un sujet majeur sur lequel nous n’avions pas mené de réflexion depuis 1998, pas même au moment du vote de la loi sur le vieillissement en 2015. Il nous est apparu important qu’une politique de santé ait un soubassement éthique, c’est-à-dire qu’elle respecte les personnes âgées à qui elle bénéficie. Or, il y a aujourd’hui une politique inadéquate et irrespectueuse qui conduit à concentrer les personnes les plus vulnérables dans les Ehpad, des lieux où elles n’ont bien souvent pas souhaité être.
Faut-il voir dans cet avis un lien avec les grèves qui ont lieu dans ces établissements depuis janvier afin d’obtenir davantage de moyens ?
Nous nous sommes saisis de ce sujet en octobre 2016, bien avant le début de ce mouvement. Nous avons ensuite attendu la fin des états généraux de la bioéthique pour publier l’avis afin de ne pas brouiller le message, car c’est une prise de position forte de notre part.
Vous dressez effectivement un constat très sévère. Vous parlez notamment de « ghettoïsation » et de « forme latente de maltraitance »…
Certaines personnes âgées dans notre pays souffrent d’un sentiment d’indignité. Elles ont le sentiment d’être en trop, de ne servir à rien. C’est quelque chose qui devrait nous heurter. Il existe également une forme de ségrégation dans l’accès aux soins des personnes âgées : les examens médicaux sont plus sommaires, on n’écoute pas les réponses aux questions… Tout cela finit par isoler et exclure.
Vous posez également la question du sens de certaines vies permises par les progrès de la médecine ?
La question des Ehpad interroge effectivement de façon plus large. Quel est le sens de la vie des personnes âgées qui se suicident ? Quel est le sens quand il n’y a plus de plaisir ? Faut-il que l’objectif de notre système de santé soit de se concentrer sur la « survie » plutôt que sur les conditions et la qualité de vie ?
Ne craigniez-vous pas qu’on vous reproche un constat sans nuance ? Il n’y aurait donc pas de résidents heureux en Ehpad ?
C’est vrai, nous ne parlons pas de ceux qui choisissent d’aller volontairement en Ehpad et de ceux dont la vieillesse est heureuse… Nous éclairons en revanche une zone d’ombre, nous prenons la défense des plus vulnérables.
Vous préconisez notamment la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour financer la dépendance. Est-ce le rôle d’un comité d’éthique de faire ce type de proposition ?
Nous nous sommes posé la question. Et nous avons estimé que l’éthique ne doit pas être désincarnée ou éthérée, mais qu’elle doit coller à la vie des gens. Il faut parfois oser ouvrir des portes. Mais nous n’apportons pas de réponse unique. La création d’une cinquième branche n’est qu’une proposition parmi un panel de mesures qui doivent être investies
ensemble…
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