Coréalisé avec des patients du Centre Antonin Artaud, ce docu se penche sur une thérapie qui mise sur l’écoute et le collectif.
Dans ce film de groupe, Nicolas Contant ne met pas en avant les grands discours. Photo Esperanza Productions
«Dans la démarche psychiatrique, les principaux intéressés, les "malades mentaux", comme on les appelle de façon bizarre, sont à travers les comportements les plus divers d’une hypersensibilité à tout ce qui les entoure : d’où l’importance de traiter ces entours. Cela peut sembler très simple, mais on sait bien que le simple est tout le contraire du simplisme. […] Quand on fait un geste, ça porte tout de suite ! Quand on fait un groupe, une constellation, mais ça change quelque chose ! Le lendemain, les gens ne sont pas les mêmes. Et ce qui compte, c’est les petits détails. C’est pas les grands discours, c’est pas les grands machins, c’est pas les trucs que je fais pour l’instant : c’est des tout petits détails, c’est des fois un signe, simplement un clin d’œil.» Ces mots qu’on entend dans Nous, les intranquilles sont dits par Jean Oury, l’homme de la psychothérapie institutionnelle et fondateur de la clinique de La Borde, disparu en 2014, à une assemblée d’intéressés réunis contre une loi sécuritaire sous Nicolas Sarkozy (on sait que ça ne s’arrange pas).
Eclaireurs.
Ils donnent au film sa ligne générale, sinueuse, faite avant tout de signes et de gestes : film de groupe et de constellation, qui ne met pas en avant les grands discours. Ainsi la phrase d’Oury n’est-elle qu’un court éclat de son montage, donné comme aussi éclairant que le reste. Et le reste, ce sont donc les petits détails, «les entours» de ce film collectif et hypersensible «de Nicolas Contant et le Groupe Cinéma du Centre Artaud» - la signature faisant l’objet d’un débat intégré au film.
Le Centre Antonin Artaud, à Reims, accueille depuis 1985 des patients dans un environnement où la relation avec les psys n’est pas hiérarchisée, où les rapports humains, les discussions et activités collectives sont mises en avant dans la thérapie, dans la continuité des pratiques d’Oury et d’autres éclaireurs. Le film, fait avec et par les patients (ce en quoi il est important et rare), montre comment l’endroit est tenu et vécu par tous les présents - les fous et les moins fous, donc - qui parlent, pensent, agissent, cherchent à mieux comprendre et à mieux dire pour mieux vivre. On pourra s’étonner par moments du montage, de son côté éclaté, à la limite de l’effet ou du casse-gueule quand la forme semble vouloir prendre sur elle et mimer l’expérience des personnes filmées, plutôt que de les laisser l’exprimer.
Résistance.
Mais c’est que le film est tissé de mille tentatives pour décrire un lieu de résistance et les vies qui s’y rencontrent : on pourra donc aussi se laisser entraîner dans ses méandres. Au spectateur attentif que le film réclame l’air de rien, bien des choses cruciales sont dites et montrées au passage, ni romantisées ni minimisées, de la voix la plus claire et la plus haute possible. Ainsi cet homme qui déclare, interviewé pour la radio : «Je revendique ma folie. Parce que tout homme peut devenir fou : tout homme l’est un peu, et tout homme peut en souffrir. Je revendique ma folie, j’en souffre un peu moins, et je considère que ce qui est grave, c’est pas la folie, c’est la souffrance : ma folie, c’est pas la même que la folie de la société.» Et il conclut, puisqu’on lui pose la question : «Comment je définirais le mot fou ? Je dirais que c’est un homme libre.»
Nous, les intranquilles de Nicolas Contant et le Groupe Cinéma du Centre Artaud (1 h 30).
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