Du moins, chez la souris. Photo Reuters
Quels mécanismes neuronaux se développent dans notre cerveau lorsque l’on a un enfant ? Une équipe de chercheurs a percé le mystère chez la souris.
Les parents le savent : avoir un enfant est un bouleversement dans une vie, qui implique de changer en profondeur ses comportements. Une équipe de chercheurs de l’institut médical Howard-Hughes aux Etats-Unis a voulu comprendre ces changements et s’est intéressé aux mécanismes neuronaux à l’origine du comportement parental chez la souris. «Pour la première fois, nous avons réussi à disséquer un comportement social très complexe avec une grande précision», se réjouit Catherine Dulac, auteure principale de l’étude et professeur à Harvard. Les résultats de son équipe, publiés dans la revue scientifique Nature, sont d’autant plus intéressants que les neurones impliqués dans ces mécanismes sont aussi présents chez l’homme. Ils pourraient ainsi à terme permettre de venir en aide à de jeunes parents ayant des difficultés émotionnelles vis-à-vis de leurs bébés.
Chez les souris, les mâles ou les femelles vierges n’ont aucune attirance envers les bébés. Leur attitude envers les générations futures est même plutôt belliqueuse. En revanche, lorsqu’ils deviennent parents, les rongeurs changent complètement. Ils ont tendance à rester dans le nid, à pouponner et ne ressentent presque plus le besoin d’interagir avec les autres adultes. C’est ce changement de comportement que les biologistes ont voulu comprendre.
En 2014, l’équipe de Catherine Dulac avait déjà identifié une zone de l’hypothalamus (dans sarégion préoptique) comme étant responsable du comportement parental. Comment ? En utilisant une protéine, baptisée c-Fos, présente dans les neurones et dont la concentration augmente lorsque le neurone est actif. Ainsi, lorsque les souris s’occupaient de leurs progénitures, les chercheurs ont observé la concentration de cette protéine dans les différents neurones et ont pu identifier ceux qui étaient impliqués dans ces comportements.
Inciter à toiletter les petits
Après avoir découvert cette zone, les biologistes se sont intéressés à son fonctionnement. En utilisant des colorants, l’équipe a pu observer avec quelle région du cerveau les différents neurones de la zone étaient connectés. Conclusion : les neurones étaient en fait divisés en sous-ensembles et communiquaient avec 20 zones différentes du cerveau.
Les chercheurs ont ensuite cherché à connaître le rôle de chacun des sous-ensembles. Pour cela, ils ont utilisé une technique moderne en neurosciences : l’optogénétique. Pour la comprendre, il faut imaginer les neurones comme des interrupteurs en position onou off. Grâce à l’optogénétique, il est possible de ne choisir d’allumer que certains interrupteurs, correspondant aux neurones que l’on veut étudier. Avec cette méthode, les chercheurs ont donc pu activer les sous-ensembles de neurones un par un et déduire leurs rôles en observant le comportement des souris.
Un des sous-ensembles de neurones était relié à une zone du cerveau appelée «substance grise périaqueducale», principalement impliquée dans les contrôles moteurs. En activant ce sous-groupe, les chercheurs ont constaté que leurs activités correspondaient effectivement à un comportement moteur parental : le toilettage des bébés.
Renforcer la motivation
Un autre groupe de neurones, lui, partait en direction de la zone du cerveau où est produite la dopamine, qui influence la motivation: «l’aire tegmentale ventrale». Lorsque les neurones étaient actifs, les rongeurs avaient beaucoup plus tendance à interagir avec les petits. «Un comportement social, ce n’est pas simple. Il comporte des actions motrices mais aussi des motivations. Ce sous-groupe de neurones est impliqué dans la motivation à s’occuper de petits», précise Catherine Dulac. Dans le même registre, un autre groupe de neurones de la zone du comportement parental était relié à l’amygdale médiane et lorsqu’il était actif, le comportement social des souris avec les autres adultes diminuait. Les souris étaient complètement focalisées sur leurs bébés.
Un comportement social correspond aussi à un changement hormonal. Là encore, l’équipe a pu l’observer. Un autre sous-groupe de neurones était relié à une région de l’hypothalamus responsable de la régulation des hormones. Activés, les neurones favorisaient le largage d’ocytocine, une hormone impliquée dans l’allaitement. «En activant les différents sous-groupes nous avons vraiment pu visualiser le fonctionnement du comportement social qu’est l’attitude parentale, que ce soit l’aspect moteur, motivation ou hormonal», se félicite la scientifique d’Harvard.
Pour l’auteure principale, si les mécanismes impliqués sont sûrement plus compliqués chez l’homme, il est très vraisemblable que le principe de base soit le même et que cette zone du comportement parental existe dans notre cerveau. Ainsi, comprendre son fonctionnement pourrait s’avérer très utile pour comprendre et traiter les parents ayant des difficultés émotionnelles avec leurs enfants après l’accouchement. «Les dépressions post-partum touchent beaucoup de jeunes mamans et elles correspondent souvent à des fluctuations hormonales. En comprenant les mécanismes neuronaux impliqués, il sera beaucoup plus facile de les aider», conclut la biologiste.
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