Anne Denis —
Après avoir voulu changer leur vie, de l’université au monde du travail en passant par la famille, les soixante-huitards réussiront-ils à en réinventer le dernier âge?
On peut attendre de la génération 68 qu’elle invente un art de vieillir. | Candida.Performa via Flickr CC License by
Thérèse Clerc était une pure soixante-huitarde, même si elle n’a pas pris part aux manifestations de mai. Il est vrai qu’elle avait déjà, à cette époque, 40 ans et quatre enfants. Cette militante féministe de la première heure qui, comme elle aimait à le rappeler, avait découvert Marx «grâce à l’église» (et aux prêtres ouvriers), était une personnalité de Montreuil, où elle avait créé la Maison des femmes.
Elle vous recevait volontiers dans son petit appartement acquis en 1974 et vous racontait ses luttes de l’époque (après son divorce en 1969) et les avortements clandestins qu’elle pratiquait sur sa grande table en bois en tant que membre du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception). Sa notoriété s’était accrue en 2012 avec le documentaire de Sebastien Lifshitz, Les Invisibles (dont elle était une protagoniste, revendiquant fièrement son homosexualité), mais surtout avec le lancement de son dernier projet, la Maison des Babayagas, un lieu de vie «autogéré, citoyen, féministe, laïc et solidaire» conçu pour des femmes âgées aux faibles revenus.
Une «utopie réaliste» concrétisée en 2013, après quatorze ans passés à batailler pour obtenir un terrain de la ville de Montreuil, puis des financements publics et, surtout, l’adossement à l’office HLM local (un exploit et une première). Le projet pensé par Thérèse Clerc et deux autres cofondatrices était ambitieux: il devait permettre à des retraitées modestes de vivre indépendantes le plus longtemps possible, chacune consacrant une part de son temps à la collectivité, selon des principes édictés par une charte. Mais l'objectif était aussi de «rester intelligentes» via, notamment, la création d’Unisavie (l’UNIversité du SAvoir des VIEux), sorte d’université populaire au sein de la Maison des Babayagas.
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