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mardi 7 mars 2017

La lutte contre les risques psychosociaux fait office de "pis-aller" dans les hôpitaux et cliniques

La prévention des risques psychosociaux est un sujet RH en vogue dans les établissements de santé, publics comme privés. Les attentes sont grandes mais les directions peinent à connecter au terrain leurs plans d'actions. Un travail de recherche de la DGAFP confirme que ces mesures demeurent abstraites des soignants et s'essoufflent au fil du temps.
Bien qu'étiquetées "prévention des risques psychosociaux" (RPS), les mesures appliquées dans les établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, "font plus office de pis-aller" que de réelles solutions organisationnelles. C'est le constat, un brin amer, que dresse la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) dans sa synthèse d'un travail de recherche* rendue publique le 2 mars (à télécharger ci-dessous). Exemple entre autres dénoncé par le ministère de la Fonction publique : la "diation pleine conscience". La raison de ce constat ? Le fait que les directions disposent rarement des marges de manœuvre pour utiliser pleinement les mesures adéquates de façon efficace. Par ailleurs, "les données quantitatives donnent une image d'établissements plus largement engagés dans l'action que ne le laissent voir les études qualitatives", complète la DGAFP, quitte à "assimiler un projet à sa mise en œuvre effective, une action très localisée à une action généralisée".

Une confusion entre causes et symptômes

Dans son analyse, le ministère reconnaît que la problématique des RPS est aujourd'hui "partagée" et "connue de tous" au sein des établissements, publics comme privés. Mais, nuance-t-il aussitôt, ce constat masque une profonde "confusion entre ce qui relève des causes et des symptômes, des troubles et des risques, des dimensions individuelles et collectives, des origines professionnelles et personnelles, ainsi que des approches organisationnelles et psychologisantes". Si bien que la définition des RPS, stabilisée en 2011 par le Collège d'expertise sur leur suivi*, "peine à s'ancrer dans les représentations et les pratiques de terrain". Quant aux actions en tant que telles, faut-il s'attaquer directement aux conditions de travail (c'est le sentiment des syndicats, médecins du travail et de certains directeurs des ressources humaines, DRH) ou plutôt aux risques qui se déploient autour du travail et de facto la qualité de vie au travail (c'est surtout ici les ingénieurs et infirmiers en prévention des risques, la plupart des DRH ou d'autres membres de direction) ? À cette interrogation, la DGAFP ne cache pas que "nombre d'interlocuteurs oscillent au cours des entretiens d'une position à une autre, montrant ainsi une forte ambivalence dans la manière dont il convient de poser les problèmes et les solutions".

Un déficit de leadership et de coordination

Ce flou s'observe sur le "déficit de leadership et de coordination des acteurs". Si bien que faute de pilotage stratégique, les politiques de prévention "finissent [...] par s'essouffler" : elles sont d'ailleurs "rarement mentionnées" dans les projets d'établissement, note le ministère. Sur le terrain, la légitimité des services qualité à prendre en charge la prévention est ainsi "loin de faire l'unanimité", ceux-ci manquant de formation et étant perçus direction dépendants. S'agissant des médecins du travail, eux aussi peinent à coordonner leurs actions avec les démarches formelles des établissements. Ils arrivent aussi difficilement à sortir du colloque singulier médecin-patient et disposent de "peu de leviers pour intervenir sur les collectifs de travail". Quant aux comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), il semble bien compliqué pour eux, comme pour les syndicats d'ailleurs, de se positionner : pour des raisons d'ordre technique vu le jargon des documents à appréhender ; pour des questions de disponibilité, les syndicats étant déjà très sollicités... Sans compter que certains syndicats, "parties prenantes de la démarche au départ, s'en retirent ensuite par crainte d’être jugées "complices" de ce qui risquerait de s'avérer n'être finalement qu'une "mascarade"".

Des actions restant "à la surface des choses"

Par conséquent, "si les raisons objectives de se saisir de la question ne manquent pas [en matière de RPS, NDLR], il faut l'aiguillon des impératifs réglementaires et/ou des autorités de tutelle pour que les établissements se mettent concrètement à agir", déplore la DGAFP. Il en résulte "des actions standardisées par le cadre institutionnel et le mimétisme", très rarement inscrites au document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp) bien que cela soit obligatoire. Et quand bien même elles le soient, les établissements peinent à rendre opérationnel ce Duerp et à le faire vivre ensuite dans la durée. Les démarches restent donc "très abstraites" pour les soignants, glisse le ministère, simples agents comme encadrants. Quant aux mesures pratiques mises à leur disposition, elles se heurtent à moult contraintes, constate la DGAFP : "pour se rendre à une séance de "toucher-massage" [...], faut-il encore avoir la possibilité de se dégager une pause, ou pour se rendre à une réunion d'équipe, faut-il encore avoir l'énergie de le faire après une journée de 12 heures auprès des patients". Face à cela, les plans d'actions restent souvent "à la surface des choses et plutôt que de transformer les conditions d'exercice des soignants, ont tendance à vivre en parallèle de l'activité concrète ou de dispositifs déjà existants".

Des "solutions dégradées" elles-mêmes génératrices de RPS

Dans son analyse, la DGAFP déplore notamment l'absence de rapprochement explicite, dans le public comme le privé, entre d'un côté les mesures de réorganisation du temps de travail et de l'autre la prévention des risques psychosociaux
 (RPS). Ces deux démarches peinent à s'articuler, ce qui accouche souvent de "solutions dégradées". Cités en exemple par le ministère, les pools de remplacement et autres systèmes d'entraide entre pôles d'activités : "dans bien des cas, note-t-il, ces dispositifs destinés à pallier les effets de l'absentéisme dans les équipes sont eux-mêmes générateurs d'angoisse pour les agents, qui perdent les repères liés à la stabilité au sein d'une équipe de travail".
Thomas Quéguiner
* En l'occurrence les risques psychosociaux sont définis par le collège d'expertise chargé de leur suivi comme "les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d'emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d'interagir avec le fonctionnement mental".
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