Par Sabrina Champenois — 6 novembre 2016 à 19:51
Eva Bester Décrypteuse de la mélancolie sur France Inter, cette adepte de la bienveillance s’est rêvée samouraï, et ne manque pas d’endurance.
Ne serait-ce que pour ça, merci Eva Bester : de recommander Bobby Valentin alias El Rey del Bajo («le roi de la basse»). Pourtant, a priori, la salsa, non merci. Mais le Bobby met implacablement en joie, à s’ébrouer comme un chiot. Du coup, on imagine Eva B. dansant dans son deux-pièces de Boulogne, pieds nus, la frange un peu en bataille, le frigo pathologiquement vide mais pleine d’allégresse, l’abysse une fois encore évité : celui de la mélancolie qui vire au trou noir au lieu de rester simple assombrissement.
Elle en a fait sa mission depuis trois ans : chaque dimanche matin, à 10 heures, sur France Inter, Eva Bester propose des tas de filets de sécurité (elle dit «remèdes») pour désamorcer (elle dit «sublimer», «transcender») la fichue «bile noire», aka le blues, les boules et compagnie. Autour d’un invité, c’est à la fois un portrait indirect par les humeurs, goûts, couleurs, qui s’esquisse, et une boîte à outils poétique qui se déploie, majoritairement artistique mais qui inclut le tour en vélo, les chatouilles, la sieste… Le tout est porté par la voix claire, solaire, juvénile, de Miss Bester, qui rebondit en agile cabri, fine et frémissante, cultivée et drôle. Bref, c’est à la rencontre d’une fée follet qu’on est partie, un lundi de bruine.
L’occasion est Remèdes à la mélancolie, le livre. Une compil d’interviews était prévisible, idéal sous le sapin (Noël). Au lieu de quoi, on découvre un traité divertissant mais bétonné. Un truc de perfectionniste, de fourmi laborieuse sous les dehors de libellule. Eva Bester : «Oui, c’est un an de travail, en parallèle de la radio.» Sachant que chaque invité entraîne une immersion, «pendant une semaine, je vis à travers lui ou elle», ses musiques, ses films, ses livres. Laurent Joffrin, directeur de Libération, qu’elle a reçu : «C’est quelqu’un qui a l’air candide mais qui ne l’est pas du tout. Elle est très préparée.» Laure Grandbesançon, chargée de production des deux dernières saisons, est devenue amie : «On s’est beaucoup marré. Mais attention, c’est quelqu’un de très stimulant et exigeant, qui sait où elle va.» Bilan : alerte au surmenage. Le lever de pied attendra, Eva Bester (qui est à France Inter en «CDD renouvelable») écrit ces temps-ci un dessin animé, «assez absurde et assez noir».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire