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Entre risques pour la santé et effets secondaires causant des comportements suicidaires et agressifs, certains antidépresseurs, toujours remboursés par la Sécurité sociale, présagent un scandale sanitaire qui ne dit pas encore son nom. Des antidépresseurs qui causeraient des comportements violents et agressifs ? L’information a de quoi surprendre, mais elle a été maintes fois démontrée.
En février 1998, l’Américain Tim Tobin, sous Deroxat, tue sa femme, sa fille et sa petite-fille. Le chercheur et psychiatre britannique David Healy révèle que le laboratoire GlaxoSmithKline (GSK) avait caché des essais cliniques prouvant que le Deroxat était responsable de comportements agressifs chez 25 % des patients testés. GSK a été condamné par la justice américaine à dédommager le gendre de Tim Tobin.
La question de l’impact de certains antidépresseurs mérite d’être posée dans le cas d’Andreas Lubitz, le copilote de l’Airbus A320, qui a entraîné 150 personnes dans sa folie meurtrière. Lubitz était sous agomélatine, une molécule développée par les laboratoires Servier, dont la revue médicale indépendante Prescrire évaluait en janvier qu’elle expose à des comportements suicidaires et agressifs. Elle est remboursée à hauteur de 65 % en France. Les autorités sanitaires doivent prendre conscience du danger que font courir certains antidépresseurs et les dérembourser. Combien faudra-t-il encore de « cadavres dans les placards », comme il est coutume de dire dans certaines entreprises du médicament, avant que les responsables politiques agissent enfin ?
Hépatites et hémorragies
Le 23 avril, l’Agence européenne du médicament (EMA) a autorisé un nouveau générique contre les troubles dépressifs majeurs, le Duloxétine Mylan. La substance active de ce médicament est la duloxétine, qui n’évoque rien au grand public, mais fait peser un danger certain sur la santé. Pour comprendre la controverse qui entoure cette molécule, il faut revenir en 2004, lorsque l’EMA autorise la mise sur le marché du Cymbalta, du laboratoire pharmaceutique américain Eli Lilly.
Pour évaluer son efficacité contre la dépression majeure, le Cymbalta n’a été comparé qu’avec un placebo. L’EMA reconnaît que les résultats des essais cliniques concernant la dépression sont variables et que le Cymbalta n’a été plus efficace que le placebo que dans quatre études parmi les huit effectuées. En janvier 2015, Prescrire publie une évaluation sans concession du Cymbalta. Selon la revue, la duloxétine expose entre autres à des troubles cardiaques, des hépatites ainsi qu’à des hémorragies parfois mortelles. En France, le Cymbalta, qui coûte 26 euros, est remboursé à 65 % par la Sécurité sociale…
Quant au Deroxat, il est remboursé à 65 % dans l’Hexagone, alors même que Prescrire affirmait en 2003 qu’il n’a pas de supériorité certaine comparée à un placebo dans le traitement de l’anxiété. En 2006, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence du médicament américaine, reconnaît que les effets secondaires comme l’envie de suicide sont probables.
L’allégation de suicides causés par les antidépresseurs peut paraître paradoxale, mais elle a été vérifiée dans plusieurs études. Que l’on parle du Cymbalta ou du Deroxat, ces deux antidépresseurs sont ce qu’on appelle des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Pour David Healy, les antidépresseurs ISRS causent des risques accrus d’effets secondaires suicidaires. Healy a déjà explicité ce risque dans plusieurs études en les comparant à un placebo. C’est le cas du Deroxat, qui a causé deux fois plus de tentatives de suicide ou de suicides chez les patients qui y ont eu recours que ceux à qui on a prescrit le placebo lors des essais.
Le remboursement de tels médicaments, dangereux et sans valeur ajoutée thérapeutique, est un scandale qui doit cesser au plus vite !
Michèle Rivasi, députée européenne, de la délégation francophone du Groupe Verts/ALE
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