Si le grand public associe volontiers certains faits divers à la violence et à la criminalité attachée à la maladie mentale, une enquête réalisée au Royaume-Uni montre (en colligeant des entretiens concernant 361 sujets avec des « troubles mentaux sévères » et 3 138 sujets-témoins) que l’inverse tend plutôt à se produire dans la réalité, c’est-à-dire que les personnes souffrant d’une maladie mentale sont plus souvent des victimes que des auteurs de tels crimes ou agressions, probablement en raison de leur plus grande vulnérabilité.
En comparant les données relatives à ces personnes avec une maladie mentale aux statistiques portant sur la population générale, les auteurs constatent en effet que 40 % des malades mentaux (contre 14 % des sujets-témoins) ont « subi l’expérience d’une telle situation » dans l’année précédent l’entretien (Odds Ratio ajustés = 2,8 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] 2,0–3,8). En particulier, les « agressions violentes » concernent 19 % des malades mentaux contre 3 % des sujets-contrôles (Odds Ratio ajustés = 5,3 ; IC 3,1–8,8). On observe sans grande surprise que cette vulnérabilité aux agressions concerne notamment les femmes atteintes d’une maladie mentale sévère, puisqu’elles sont « quatre fois plus souvent victimes d’une violence domestique » que les femmes sans affection psychiatrique, « quatre fois plus souvent victimes d’une agression sexuelle » et « dix fois plus souvent victimes de violences dans leur entourage » (perpétrées par des étrangers ou par des connaissances).
Outre ce statut de victime plus fréquent, les malades mentaux éprouvent aussi un surcroît de « morbidité psychosociale après avoir subi une agression », comparativement aux autres victimes (sans trouble psychiatrique préexistant). Cette étude prouve que les malades mentaux paient ainsi, plus souvent qu’on ne l’imagine a priori, un très lourd tribut à la violence et à la criminalité : loin de mériter l’image tenace d’auteurs fréquents de telles agressions (qui leur est classiquement prêtée par une société prompte à stigmatiser), ces patients en sont surtout des victimes habituelles. Pour les chercheurs, ce constat préoccupant implique donc « d’axer particulièrement sur les malades mentaux » les politiques de prévention de la violence, en raison de leur vulnérabilité particulière aux agressions.
Dr Alain Cohen
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