« Born in the wild. » Cette émission de télé-réalité américaine n’a pas encore été diffusée qu’elle fait déjà beaucoup parler d’elle. Le principe ? Filmer des mères qui font le choix d’accoucher dans la nature, sans assistance, en dehors de toute structure médicale.
Les spectateurs peuvent en avoir un avant-goût en visionnant une vidéo, disponible sur Youtube, et qui montre une femme donnant vie à son bébé dans le lit d’une rivière, en pleine forêt, entourée de sa famille. Ce petit film de 22 minutes, visionné plus de 23 millions de fois, aurait inspiré le network américainLifetime, qui a dévoilé son émission à la presse le 4 juin dernier. Des images qui brisent l’intimité de la naissance et qui paraissent choquantes aux yeux de nombreux internautes.
Interrogé par la presse américaine, Eli Lehrer, vice-président en charge des programmes documentaires de Lifetime, assure qu’un médecin assistera, en cas de besoin, les volontaires qui participeront à « Born inthe wild ». N’empêche, l’émission a suscité l’émoi, y compris en France. Pas seulement en raison de son voyeurisme.
La médicalisation en question
Pour le Pr Philippe Deruelle, gynécologue obstétricien au CHRU de Lille, et secrétaire général du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (SYNGOF), elle présente un réel danger. « Ce type de publicité pour la naissance à domicile est dangereuse et déplacée. La naissance à domicile augmente la mortalité et la morbiditéfœtale. On a aujourd’hui de nombreuses données scientifiques qui le démontrent », explique-t-il (*).
Sur le fond, « Born in the wild » traduit le désir des femmes dedémédicaliser la naissance. Un souhait loin d’être illégitime aux yeux du praticien. « Dans les années 70, on a médicalisé la naissance pour abaisser la mortalité et la morbidité fœtale et néonatale. Revers de la médaille, la volonté de protocoliser systématiquement fait qu’on applique à tout le monde la même prise en charge. Cela peut paraître disproportionné dans certains cas », reconnaît le Pr Deruelle.
Mais les mentalités changent, assure le médecin : « Il y a une vraie prise de conscience des professionnels de la périnatalité. Les équipes cherchent un retour à la physiologie et ont le souci de fournir plus d’explications aux usagers. Il faut être vigilant mais dans le respect de ce que veulent les gens. »
Les maisons de naissance divisent
Officiellement expérimentées en France depuis l’année dernière, les maisons de naissance en sont un autre exemple. La prise en charge y est moins médicalisée que dans une unité d’obstétrique classique. Autonomes, ces établissements sont cependant adossés à une maternité et proches géographiquement. En cas de besoin, une patiente peut être transférée rapidement à l’hôpital.
« C'est cela l'enjeu, insiste le Pr Deruelle. En obstétrique, on a du mal à prédire la survenue d’une complication comme une hémorragie de la délivrance. Même une femme, dont la grossesse se passe très bien, n’est pas à l’abri d’une complication. Il faut être capable de répondre à l’urgence quand c’est nécessaire sans l’anticiper par des gestes inutiles. »
Reste que les maisons de naissance divisent les professionnels eux-mêmes. En décembre dernier, peu après le feu vert des autorités pour l'expérimentation des maisons de naissance, le Dr Jean Marty, président du SYNGOF, faisait part de ses réticences à l'égard de ces établissements.
« L’obstétrique a beaucoup progressé en confort et en sécurité, et avec ces maisons, on fait l’apologie d’un retour en arrière », expliquait-il alors, redoutant l'autonomisation des sages-femmes qui, selon lui, remet en question la sécurité des femmes.
S. L.
(*) Perinatal and maternal outcomes by planned place of birth for healthywomen with low risk pregnancies: the Birthplace in England national prospective cohort study - BMJ 2011;343:d7400 doi: 10.1136/bmj.d7400
Alternative versus conventional institutional settings for birth - TheCochrane Collaboration
Alternative versus conventional institutional settings for birth - TheCochrane Collaboration
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