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lundi 29 janvier 2024

Ménopause : deux podcasts brisent le tabou

par Agnès Giard   publié le 27 janvier 2024

Elsa Wolinski et Claire Fournier abordent, à travers deux podcasts où se mêlent témoignages et avis d’expert·e·s, la complexité de cette période dans la vie d’une femme souvent vécue sans soutien et en secret.

«Dézinguer l’omerta, c’était le but. Moi, je me suis pris la ménopause comme un mur, avec personne à qui en parler. J’étais dans le noir, au fond du gouffre…» Passionnée, pétulante, la journaliste et entrepreneuse féministe Elsa Wolinski raconte qu’aux origines du podcast Allez j’ose, il y avait ce désir de briser le silence : «En France, plus de 14 millions de femmes sont ménopausées. C’est un passage qui les concerne toutes, mais qu’elles traversent souvent seules Le premier épisode de ce podcast sort ce samedi. Comme par coïncidence, un autre podcast – Chaud dedans – vient d’être créé, dans une optique similaire, par Claire Fournier, lancé fin novembre 2023, en vue de «libérer la parole». «Il y a chaque année 400 000 nouvelles recrues dans le club des ménopausées, explique Claire Fournier. Alors soutenons-nous. Parlons-nous. La bataille sera gagnée quand on pourra dire qu’on est ménopausée sans avoir à baisser la voix.»

Les deux podcasts ont beaucoup en commun, à commencer par la même énergie militante qui pousse deux femmes très différentes à mettre les pieds dans le plat. Qui ose parler ouvertement des bouffées de chaleur ? Pour Elsa Wolinski, tout part d‘un constat : on n’ose pas aborder le sujet. Résultat : «On n’a personne pour éclairer notre chemin. Et durant ce moment qui nous arrive à toutes, faute d’échange, faute d’entraide, on le vit très mal.» C’est son expérience de la ménopause qui a servi de déclencheur. «Je m’en plaignais beaucoup sur Instagram. Un véritable ascenseur émotionnel. Les médecins se contentaient de me dire qu’il fallait faire du sport.» Elle confie sa détresse sur les réseaux sociaux, et le hasard veut qu’au même moment, Nathalie Cottet, productrice de l’émission Bel et Bien (où Wolinski travaille) réfléchit à un podcast sur le sujet.

«Personne ne m’en avait parlé»

Le projet de la série Chaud dedans prend aussi forme à la faveur d’une crise : Claire Fournier, éditorialiste économique sur LCI, vient d’avoir 47 ans quand les symptômes de la périménopause se déclenchent. Une vraie tempête. «C’était l’année dernière. J’étais jeune maman. Cela m’a prise au dépourvu. Personne ne m’en avait parlé, ni ma mère, ni mes amies, ni mon gynéco…» Prenant son courage à deux mains, Claire Fournier contacte Binge audio pour leur proposer une série. «C’est assez thérapeutique en fait, s’amuse-t-elle. J’ai voulu créer ce podcast pour trouver les réponses aux questions que je me posais. Ça m’aide aussi beaucoup de rencontrer toutes ces femmes géniales qui en parlent… Car tel est mon but : en finir avec le tabou.» Après tout, ajoute-t-elle, si les jeunes filles peuvent maintenant parler de leurs menstrues sans honte, pourquoi les femmes qui n’en ont plus devraient-elles se taire ?

Elsa Wolinski défend la même cause : «Regardez aux Etats-Unis : Michelle Obama ose en parler pendant une émission TV. Nous devons faire évoluer le regard en France. Chez nous aussi les choses doivent changer.» Citant le cas de femmes qui continuent d’acheter des tampons pour tromper leur entourage, elle déplore que «ménopausée» soit perçu comme l’équivalent du mot «périmée». Claire Fournier approuve : «Pamela Anderson s’est affichée sans maquillage à Cannes. Flavie Flament, bientôt 50 ans, a montré ses fesses sur Instagram… Pour beaucoup de femmes, c’est un soulagement. Pourquoi avoir honte de ce corps qui prend de l’âge ? Il y a la peur bien sûr, celle de passer dans le camp de la vieillesse. On n’a pas forcément envie d’en parler à son amoureux ou son conjoint. Et pourtant…»

«La femme démonétisée, dévaluée»

Depuis maintenant deux mois que son podcast existe, Claire Fournier a eu l’immense surprise de recevoir des mails émanant d’hommes : «Beaucoup m’écoutent pour comprendre ce que traverse leur compagne», explique-t-elle. Bien que son public soit pour l’essentiel constitué d’auditrices âgées de 40 à 60 ans, Claire Fournier a le sentiment que le sujet de la ménopause n’a rien d’anecdotique. Il engage des questions essentielles touchant aux rapports de couple, ainsi qu’aux valeurs de la société. «Sur le plan des représentations, dit-elle, la ménopause reste synonyme de perte. Perte de mémoire, de cheveux, de sex-appeal… C’est pour cela qu’il faut en parler, pour sortir de cette vision négative de la femme démonétisée, dévaluée. Nous manquons de role models. Moi je veux donner la parole à des figures fortes, à qui les femmes pourraient fièrement s’identifier.»

Dans son podcast Allez j’ose, animée par le désir d’un engagement citoyen, Elsa Wolinski adopte une stratégie analogue : aller au-devant de femmes connues et les faire parler. A son micro, dans les semaines qui viennent, il sera possible d’entendre la peintre et ex-mannequin Azucena Caamaño (épouse de Florent Pagny), l’humoriste Michèle Bernier (autrice de Tango de la ménopause), la styliste Isabel Marant, la journaliste Sophie Fontanel ou encore la comédienne Sophia Aram. Le ton de son podcast se veut libre, amical, intimiste. Il peut paraître parfois léger. C’est tout le contraire du podcast Chaud dedans, qui s’apparente au travail d’orfèvre : Claire Fournier construit chaque émission comme l’occasion d’explorer un aspect différent du problème. Décryptant la ménopause sous des angles toujours différents – historique, symbolique, physiologique, etc. – la journaliste renouvelle constamment le sujet. Elle le rend même si plaisant… qu’on se prend presque au jeu de parler «ménopause» avec passion et enthousiasme.

Allez j’ose d’Elsa Wolinski (Martange). Un épisode par semaine.

Chaud dedans de Claire Fournier (Binge audio). Un épisode toutes les deux semaines.


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