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dimanche 28 janvier 2024

Comment redorer l’image de la psychiatrie ?

Publié le 24/01/2024

Quentin Haroche

Alors que la psychiatrie souffre de nombreux préjugés dans la population générale (comme chez les étudiants en médecine), le CNUP lance une campagne pour redorer l’image de la spécialité.

Les résultats des derniers épreuves classantes nationales (ECN) 2023 (les dernières organisées avant la réforme) n’ont pas dérogés à la règle : comme chaque année, la psychiatrie a figuré parmi les spécialités les moins attractives pour les étudiants, se classant 39ème sur 44 selon l’indice d’attractivité établie par le Drees, le service de statistiques du ministère de la Santé.

Pire encore, 67 des 547 postes ouverts en psychiatrie sont restés vacants. Un désamour pour la psychiatrie qui inquiète le Collège national des universitaires de psychiatrie (CNUP), qui a donc décidé de lancer ce mardi, en collaboration avec l’association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) et l’association des internes en psychiatre (AFEPP) une campagne pour redorer l’image de la spécialité auprès de la population française et des étudiants en médecine, intitulée « choisir psychiatrie ».

Les clichés sur la psychiatrie ont la vie dure

L’association de psychiatres a d’abord voulu déterminer les causes et les caractéristiques de ce désamour. Pour ce faire, elle a, avec l’aide de l’institut de sondage CSA, interrogé les Français et les étudiants en médecine sur leur perception de la psychiatrie. Les résultats sont sans appel : si 87 % des Français jugent que la psychiatrie est une discipline médicale utile, ils sont 61 % à percevoir le monde de la psychiatrie comme « anxiogène » et même 19 % à en avoir « très peur ». Le sondage indique également que certains clichés sur la psychiatrie, véhiculé notamment par les œuvres de fiction, ont la vie dure : 46 % des Français pensent que la majorité des malades psychiatriques sont enfermés et 44 % que les psychiatres ne font « qu’assommer les gens de médicaments ».

Même chez les étudiants en médecine, la psychiatrie a mauvaise presse. Ils sont ainsi 63 % à estimer que l’exercice de la psychiatrie est trop isolé, 62 % que cette spécialité est moins prestigieuse que les autres et 49 % que l’activité de recherche y est limitée.

L’objectif de la campagne « choisir psychiatrie » est justement de tordre le cou à ces nombreuses idées reçues. Des patients enfermés sous camisole de force ? « Historiquement, cela a pu se passer comme cela, mais depuis les années 1970, la psychiatrie a beaucoup évolué vers l’autonomie des patients, des relations collaboratives, des prises en charge ambulatoires » explique le Pr Marie Tournier, psychiatre à Bordeaux.

Une spécialité difficile émotionnellement ? « Absolument toutes les spécialités médicales sont confrontées à ces souffrances » rappelle à juste titre le Dr Charles-Edouard Notre-Dame, pédopsychiatre au CHU de Lille. Un exercice trop isolé ? « Nous travaillons au quotidien en lien avec de nombreux métiers du soin, que ce soient des addictologues, infirmiers, neuropsychologues, ergothérapeute, c’est une activité très variée où le contact est omniprésent » tempère la Pr Anne Sauvaget, psychiatre à Nantes.

Le tabou de la rémunération

La campagne du CNUP se matérialisera notamment par la diffusion d’un clip télévisé, rappelant que « la psychiatrie sauve des vies » et en des rencontres entre psychiatres et étudiants en médecine. L’une des propositions concrètes du CNUP est de mettre en place un stage obligatoire de psychiatrie durant l’externat. En effet, le sondage du CNUP démontre que les étudiants qui ont effectué un stage en psychiatre en ont une opinion plus favorable, prouvant que « la psychiatrie, l’essayer, c’est l’adopter ! » souligne le Dr Notre-Dame.

Le CNUP rappelle également qu’il y a urgence à redorer le blason de la psychiatrie, parent pauvre de la médecine française : la France ne compte que 15 500 psychiatres et le nombre de pédopsychiatres a diminué de 34 % depuis 2010, une situation qui risque de se dégrader ces prochaines années puisque les psychiatres de l’enfance en activité sont âgés en moyenne de 62 ans et proches de la retraite. Le nombre de lits de psychiatrie a diminué depuis 2000 d’1 lit pour 1000 habitants et ce alors que l’incidence des maladies psychiatriques, notamment chez les plus jeunes, est en forte augmentation des dernières années.

On s’étonnera cependant que la campagne de la CNUP n’évoque pas une seule fois un sujet certes quelque peu tabou en France mais pourtant d’une importance capitale : celui de l’argent. La psychiatrie est en effet une des spécialités médicales les moins bien rémunérées, un psychiatre libéral ayant un BNC moyen d’environ 70 000 euros, bien loin par exemple de la rémunération des ophtalmologues (120 000 euros), l’une des spécialités les plus prisées par les étudiants en médecine. C’est sans doute là que réside l’une des causes du désamour pour la psychiatrie des étudiants en médecine.

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