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jeudi 11 janvier 2024

Inondations en série : une submersion psy

Arras, le mercredi 3 janvier 2023 

Quentin Haroche

Quelques semaines après avoir déjà vécu des inondations, le nord-est de la France est de nouveau sous les eaux. Une répétition de catastrophes qui use les sinistrés psychologiquement.

Un jour sans fin dans le Pas-de-Calais. Alors que les habitants ne sont pas encore remis des fortes inondations qui ont touché le département en novembre dernier, que les sols sont encore gorgés d’eau et certaines maisons encore délabrées, le département est de nouveau frappé par des inondations majeures en ce début d’année 2024.

Depuis ce lundi 1er janvier, le département du Pas-de-Calais est ainsi placé en vigilance rouge aux inondations par Météo France, la faute notamment aux fortes pluies et au fleuve Aa, dont le niveau va atteindre des seuils exceptionnels ce mercredi a prévenu Vigicrues, le service de surveillance du niveau des fleuves. Une dizaine d’autres cours d’eau de la région sont à fort risque de crue dans les prochains jours (la Liane, la Canche, l’Hem…) et six départements du nord-est de la France sont en vigilance orange.

Coup de main, coup de cœur

Pour les services de secours de la gendarmerie, des pompiers et de la protection civile, le plus pressé est bien sûr de mettre les habitants en sécurité, en évacuant les sinistrés et en les relogeant si possible dans les nombreux hébergements d’urgence mis en place dans la région. Mais au-delà, les sinistrés ont également besoin d’un fort soutien psychologique. Le choc de ces catastrophes naturelles qui bouleversent en quelques instants la vie quotidienne des sinistrés est vécu comme un véritable traumatisme qui peut induire une forte réaction psychologique et provoquer dépression, stress et anxiété.

Le soutien psychologique aux victimes est (ou devrait être) immédiat, dès leur prise en charge par les services de secours, qui y sont spécialement formés. C’est ce que les secouristes appellent le « coup de main, coup de cœur », l’aide matériel et logistique n’allant pas sans le soutien moral. « On a des moments assez privilégiés avec les sinistrés, on est très proche d’eux dans l’évènement, les gens ont besoin de parler et nous posent plein de questions, on n’a pas forcément de solutions mais on est à l’écoute » racontait en novembre dernier lors de la première série d’inondations un bénévole de la Croix-Rouge venu en aide aux victimes.

Un soutien psychologique plus approfondi, auprès de psychologues ou de psychiatres, viendra ensuite dans un second temps. « Le soutien psychologique se fait dans un temps inestimable, tout le monde ne réagit pas de la même manière, certains auront besoin de parler dans un, trois ou six mois » explique la présidente de la Croix-Rouge Pas-de-Calais. Depuis novembre, l’association France Victimes s’est ainsi déployée dans le Pas-de-Calais et a mis en place un dispositif spécifique pour venir apporter un soutien psychologique aux sinistrés.

Une « usure psychologique » s’installe chez les sinistrés

Mais la répétition des catastrophes, en réveillant les traumatismes, ne fait qu’aggraver la situation. « Il y a une détresse importante qui s’est installée depuis le début novembre, un vrai problème d’usure psychologique qui est difficilement tenable pour les habitants, même si les bénévoles de la Protection civile ont l’habitude d’accompagner psychologiquement les habitants et d’orienter les sinistrés » confie Adam Beernaert, directeur de la protection civile du Pas-de-Calais. « Les personnes en ont marre, elles sont dégoutées ».

En 2001, après de graves crues dans la Somme, des chercheurs en psychologie clinique de l’université de Bourgogne et de Paris V s’étaient intéressés aux conséquences psychiatriques de ces différentes catastrophes. « Les séquelles les plus fréquemment rencontrées chez les victimes d’inondations sont les symptômes dépressifs et anxieux ainsi que les problèmes somatiques, l’ensemble de ces séquelles altèrent fortement le fonctionnement familial, social et professionnel » écrivaient à l’époque les chercheurs. En 2002, l’institut de veille sanitaire (ancien nom de Santé Publique France) avait observé une hausse de la consommation des médicaments psychotropes dans le Gard après des inondations.

En 2018, après de terribles inondations dans l’Aude qui avait entrainé la mort de 14 personnes, le Dr Christine Barois, psychiatre, expliquait que les inondations peuvent également « créer des phobies et susciter des réactions d’évitement », où l’individu traumatisé prend peur à chaque orage ou forte pluie. Pour surmonter l’angoisse, « il faut d’abord parvenir à se dire que c’est fini » concluait la psychiatre.

Mais pour les sinistrés du Pas-de-Calais, l’angoisse est loin d’être finie.

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