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lundi 25 décembre 2023

Laïcité à l’hôpital : une mise au point bienvenue

Publié le 14/12/2023

Quentin Haroche

L’AP-HP a mis à disposition de son personnel un guide pour clarifier les droits et obligations des personnels et des usagers en termes de laïcité.

Ce serait presque un euphémisme que de dire que la question de la laïcité suscite interrogations et crispations ces dernières années, surtout concernant son application vis-à-vis de nos compatriotes musulmans de plus en plus nombreux. Discriminatoire pour certains, fondamentale pour la plupart d’entre nous, la laïcité est un principe parfois mal compris et mal appliqué (y compris par le chef de l’Etat en personne). En tant que service public, dont les agents sont soumis à un principe de neutralité religieuse, l’hôpital public n’échappe pas à ces interrogations et à ces tensions.

A l’occasion de la journée de la laïcité samedi dernier, qui célèbre l’anniversaire de l’adoption de la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’Assistance Public-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a donc décidé de publier un guide pratique avec une ambition : « clarifier les droits et les obligations des personnels et des usagers de l’hôpital en matière de laïcité ». Rédigé par la direction des affaires juridiques de l’AP-HP, en lien avec les représentants des usagers puis validé par le collège de déontologie de l’AP-HP en sa qualité de référent laïcité, ce guide, qui s’appuie sur des exemples tirés de situation réelle, vise à « répondre aux questions très pratiques vécues dans les services en rappelant la règle commune et les conditions de son application » explique l’AP-HP.

La barbe n’est pas un signe d’appartenance religieuse !

Le guide rappelle tout d’abord un principe fondamental de la loi de 1905, parfois oublié par nos hommes politiques : la laïcité s’applique différemment pour les agents du service public et pour les usagers. Les personnels de l’hôpital public sont ainsi soumis à un principe de neutralité qui les empêchent d’exprimer leurs convictions religieuses durant le service.

Le guide de l’AP-HP prend ainsi plusieurs exemples de comportements pouvant constituer une violation de ce principe de neutralité, comme le fait de porter un pendentif religieux, de distribuer des documents religieux au cours d’un staff médical ou de prier sur son lieu de travail, même en dehors de ses heures de travail et en vêtements civils. Le guide évoque également des cas de « détournement de tenue professionnelle » : il est ainsi interdit pour une infirmière de porter une charlotte en permanence pour contourner l’interdiction de porter un voile islamique. Attention cependant à l’excès de zèle : en 2020, le Conseil d’Etat avait sanctionné un hôpital qui avait licencié un médecin qui refusait de tailler sa barbe, « qui ne constitue pas par elle-même un signe de manifestation ostensible d’une appartenance religieuse » rappelle l’AP-HP.

En revanche, comme le rappelle le guide, c’est le principe de la liberté de religion qui prédomine pour les usagers. Ces derniers sont donc libres de porter des signes religieux ostentatoires, y compris un foulard islamique et même de prier dans l’enceinte des établissements hospitaliers. Les patients sont même autorisés, ce qui pourrait en étonner certains, à refuser d’être soignés par un homme ou une femme pour raisons religieuses : c’est alors à l’hôpital d’accéder à la demande du patient en lui adressant le praticien de son choix. La règle est cependant subtile sur ce point, puisqu’un patient n’a pas le droit en revanche de refuser d’être soigné par un soignant en raison de l’appartenance religieuse de ce dernier : il s’agit alors d’une demande discriminatoire, à laquelle l’hôpital ne doit pas accéder.

La radicalisation à l’hôpital, un phénomène difficilement quantifiable

Le guide évoque également la question épineuse des témoins de Jéhovah, dont la foi les pousse à refuser toute transfusion sanguine. Là encore, la règle est subtile, puisque le guide précise à la fois que le choix d’un patient de ne pas être transfusé « doit être respecté »…mais qu’un médecin qui outrepasserait ce choix ne serait pas tenu responsable, dès lors qu’il a accompli un « acte indispensable à sa survie et proportionné à son état ». En revanche, des parents n’ont pas le droit de s’opposer à ce que leur enfant mineur soit transfusé pour raison religieuse.

On le voit, si certains comportements constituent assurément une atteinte à la laïcité (comme fêter Hanoukka lorsque l’on représente l’Etat par exemple), d’autres sont plus ambigus et se situent à la frontière entre le principe de neutralité et la liberté de conscience. Si le guide publié par l’AP-HP est le bienvenu, il ne répond évidemment pas à toutes les situations. S’agissant de la laïcité, une autre question épineuse se pose, celle de savoir comment assurer le signalement des atteintes à la neutralité et des cas de radicalisation religieuse. Auteur d’une enquête sur la radicalisation à l’hôpital en 2021, le Dr Patrick Pelloux avait fait état de la difficulté de quantifier le phénomène. « Les interlocuteurs interrogés font état d’un sentiment d’impuissance face à des situations difficiles à instruire » notait à l’époque l’urgentiste.

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