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jeudi 28 décembre 2023

Avec sa hotte sur le dos «Ma mère m’a tout dit d’un coup» : ce jour atroce où l’on comprend que le père Noël est une imposture

par Marie-Eve Lacasse   publié le 20 décembre 2023

Tôt ou tard, ils finissent par l’apprendre. Parfois, c’est le grand frère qui déballe tout ; ou alors la réponse se trouve sur Google. Petits et grands enfants racontent à «Libé» le jour où ils ont découvert le pot aux roses.

Vos enfants sont comme vous : quand ils se posent une question, ils demandent à Google. On a donc interrogé le moteur de recherche pour savoir si le père Noël existait. «Considéré comme un personnage fictif, le père Noël est indissociable de la fête de Noël. L’homme à l’origine du père Noël est Nicolas de Myre. Toutefois, la mythologie et les attributs modernes du personnage sont issus d’un syncrétisme ainsi que d’une volonté mercatique plus récente dans le monde occidental» nous disent, entre autres réponses, les premières lignes du site Démotivateur. Devant autant de mots compliqués, il est possible que votre enfant reste légèrement circonspect et continue à croire, de loin en loin, à ce gros bonhomme qui voyage en traîneau dans le ciel tiré par des rennes.

C’est exactement cette ambiguïté qu’ont cherché à créer les rédacteurs de Siri, l’assistant vocal d’Apple, qui répond de façon charmante : «C’est une information que je ne suis pas autorisé à communiquer. Il me l’a interdit.» N’est-ce pas mignon ? Aux Etats-Unis, à la demande de parents, Google a même fini par adoucir sa réponse avec une fin ouverte : «Le père Noël n’est pas complètement fabriqué de toutes pièces – l’inspiration derrière ce personnage des fêtes vient d’un moine, saint Nicolas, qui était aimé pour sa générosité et son altruisme.» Il faut dire que plus d’un million de requêtes émanant d’enfants étaient recensées chaque hiver. Alors, il existe ou pas ? Même nous, on a un doute, maintenant. Mais pour ceux et celles pour qui la réponse est claire, ils racontent (1) à Libé le jour où tout a basculé.

Anna, 12 ans : «J’ai vu les cadeaux dans le coffre de la voiture»

«On allait dans la famille de mon père pour les fêtes, en voiture. C’est loin dans le nord de la France donc on fait toujours plusieurs heures de route. A un moment, on s’est arrêtés à une aire d’autoroute pour déjeuner. Je suis sortie de la voiture, j’avais six ans et ma sœur deux. Ma mère a voulu prendre la poussette dans le coffre. Je l’ai suivie, et là j’ai vu, à côté des valises, tous les cadeaux emballés ! J’ai demandé à mes parents ce que c’était, pourquoi on avait des cadeaux dans la voiture. Pendant tout le déjeuner, ils m’ont expliqué que le père Noël les avait livrés en avance cette année-là. Mais je savais que ce n’était pas vrai.»

Léa, 12 ans : «La dispute était énorme»

«Un jour, j’étais en grande section de maternelle, je me disputais avec mon grand frère pour savoir si le lapin de Pâques existait ou pas. La dispute était énorme, on a même fini par se battre : moi j’étais persuadée qu’il existait, et mon grand frère me disait que non, que c’était des mensonges et que j’étais vraiment trop bête de croire à des histoires pareilles. Ma mère m’a prise à part dans la salle de bains pour arrêter la dispute, elle devait vraiment être excédée parce que là elle m’a tout dit d’un coup en hurlant : “Rien n’existe, ni le lapin de Pâques, ni le père Noël, ni la petite souris !” Voilà, c’était réglé.»

Clément, 32 ans : «Maman, il faut qu’on parle»

«Ça s’est fait en deux temps, autour de six ans. Mon cousin m’a dit que son meilleur ami lui avait dit, et j’étais un peu vexé, car cet ami en question, je ne l’aimais pas trop, mais il avait toujours les meilleures histoires, les infos en premier (bien plus tard, c’est lui qui nous a poussés à regarder un film porno pour la première fois, bref, une mauvaise fréquentation). Donc mon cousin me le dit et je sens que c’est vrai. Alors, je réfléchis longtemps dans ma chambre, puis je vais voir ma mère, je me souviens, elle était dans notre petite cuisine, et je lui dis : “Maman, il faut qu’on parle”, un peu comme dans la pub P’tit Vittel. Elle ne confirme pas trop, elle a les bras croisés, dit qu’on peut croire ce qu’on a envie, mais j’ai la sensation grave d’un mensonge qui s’effondre.»

Guillaume, 50 ans : «Jésus et le père Noël, c’était la même chose»

«Chez mes parents, qui sont bretons et très catho, on ne parlait jamais du père Noël – on nous racontait même que c’était le petit Jésus qui rapportait tous les cadeaux sous le sapin. A cinq ou six ans, cette étrange histoire me jetait dans les plus fiévreux questionnements : comment le petit Jésus, qui est dans sa crèche, dans ses langes, sur un matelas de paille, peut-il transporter des cadeaux aussi lourds et gros et nous les laisser sous le sapin ? Et puis surtout, Jésus, il était mort, et ressuscité, et pourtant il était là sous le regard de sa mère, avec ses parents, mais qui n’étaient pas non plus vraiment ses parents… Les incongruités du catéchisme avaient fusionné avec celles de la légende du père Noël. Comment peut-on arriver à passer dans les cheminées d’autant de foyers, si rapidement, en une nuit, etc. Quelque chose n’allait pas, et rapidement, j’ai perdu la foi dans les deux histoires : Jésus et le père Noël. Fin de la foi, à six ans.»

Bénédicte, 42 ans : «Mais vous nous avez tellement menti !»

«Mon mari vient d’Erzgebirge, en Saxe, une région en Allemagne où Noël est absolument sacré : les maisons sont hyperdécorées, tout le monde fait des gâteaux, c’est de la folie. Un jour, notre fils Lucien est venu me voir et il m’a dit : “Maman, je sais. C’est bon maintenant. Dis-le moi, arrête le cinéma.” Alors, devant autant de bon sens, j’ai fini par dire : “Oui effectivement. Mais c’est un joli mensonge.” Quand j’ai raconté ça à mon mari, il était outré ! Pour lui, c’était ultratransgressif. Il pensait que ce genre de révélation aurait nécessité une discussion parentale en amont, aussi importante que, je ne sais pas, dans quel établissement on doit l’inscrire au lycée. Dans sa famille, personne n’a jamais dit officiellement : “non, le père Noël n’existe pas.” Ces choses-là sont tues. Alors quand notre fille, qui a deux ans de moins, m’a posé la même question, j’ai dû émettre une espèce de bafouillement du bout des lèvres. C’était devenu un vrai tabou. Sauf que devant mon embarras, elle a compris et a ajouté : “Mais vous nous avez tellement menti !” Oui oui ! Et ce n’est pas fini.»

Mathilde, 41 ans : «Et là, je venais de crever leur enfance»

«Un jour, dans le RER C, je suis en train de rigoler avec des copains. On est en train de parler de ça justement, du fait que le père Noël n’existe pas, je ne sais pas comment on en arrive à cette discussion mais ça n’a rien de méchant, juste on raconte cette banalité. Sauf qu’on ne voit pas la famille qui est derrière, un couple un peu coincé et leurs deux enfants, genre la petite famille parfaite de Versailles. A un moment le père se retourne et me dit : “Chut, chut, mais chut !” Et là je comprends que c’est trop tard : à côté de lui, ses enfants mortifiés nous regardent, les yeux un peu perdus dans le vague. J’avais vraiment fait un truc grave, je me sentais hypermal, d’ailleurs quand je le raconte là des années plus tard je me sens encore mal. J’étais celle qui avait crevé leur enfance. A la fin les parents étaient tellement en colère, le père est sorti et m’a fait un pouce en l’air avec un air super énervé depuis la fenêtre du RER. Désolée Jean-Eudes.»

(1) Certains prénoms ont été changés.


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