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mardi 31 octobre 2023

Précarité 2022, nouvelle année meurtrière pour les sans-abri


 


par Margo Bierry  publié le 26 octobre 2023

L’année dernière, 710 décès ont été enregistrés par le collectif les Morts de la rue. Un chiffre en deçà de la réalité, tant il est difficile de recenser, suivre et soigner les personnes sans domicile.

Une mortalité «massive et précoce» des sans-abri. Dans son 11e rapport publié ce jeudi 26 octobre, le collectif les Morts de la rue (CMDR) a enregistré 710 décès de personnes sans domicile en 2022, mettant en lumière «une année aussi meurtrière que les précédentes». Parmi ces 710 décès établis par le document, avec l’aide d’une dizaine de bénévoles, une épidémiologiste et en lien avec le programme «Pas de santé sans toit» de Médecins du monde, 6 victimes étaient à la rue depuis moins de trois mois et une immense majorité sont des hommes (87 %).

«Malheureusement, on sait que ce n’est pas exhaustif. Ces chiffres sont bien en dessous de la réalité», déplore la coordinatrice du CMDR, Chrystel Estela. En croisant les résultats avec des données d’autres rapports, le collectif estime le nombre de décès à près de 3 200 en 2022. «D’où l’importance de développer des partenariats avec des institutions et associations, notamment dans les grandes métropoles à l’extérieur de l’Ile-de-France», plaide la responsable.

Après un signalement, par des associations ou des citoyens, le collectif enquête sur l’identité de la personne puis retrace son parcours de vie : antécédents médicaux, liens sociaux, cause du décès… De nombreuses questions dont une partie reste souvent sans réponse. Les bénévoles recueillent également des anecdotes sur le défunt : «C’est important pour un travailleur social et son processus de deuil d’en parler, et cela permet de montrer que ce n’est pas qu’un nom. C’est avant tout une personne avec une histoire particulière», souligne Chrystel Estela.

Une espérance de vie de 49 ans

Selon le rapport, l’écart d’espérance de vie entre les sans-abri et la population générale est de plus de trente ans : 49 ans en moyenne, contre environ 80 pour le reste des Français. Les femmes vivent moins longtemps : 46 ans, contre 50 pour les hommes. Plus exposées aux violences, elles consomment également davantage de substances psychoactives pour pallier leur mal-être. Les hommes, eux, souffrent d’un parcours de rue plus long (onze ans en moyenne) et d’une consommation accrue de tabac et alcool.

La majorité des décès recensés (41 %) ont lieu sur la voie publique. 29 % ont lieu en structures de soins – ils concernent majoritairement les plus âgés, plus exposés aux pathologies – et 17 % en hébergement (sociaux ou chez un tiers).

Concernant les causes, un décès sur cinq est lié à une mort violente (agression, suicide, accident, intoxication) et un sur sept est lié à des maladies (respiratoires, circulatoires, tumeurs). Guillemette Soucachet, coordinatrice de Pas de santé sans toit, souligne toutefois «la difficulté d’identifier la cause avec précision, en raison des polypathologies» dont souffrent les «sans-chez soi». Dans plus de la moitié des décès, la cause est donc difficilement identifiable.

Une situation alarmante à l’approche des JO 2024

«La rue abîme la santé», déplore Guillemette Soucachet, insistant sur les problématiques d’accès aux soins et de prise en charge médicale des sans-abri. «Il y a un manque de transfert d’informations entre les différentes structures sociales, médicales et de logement. On remarque aussi des lacunes au niveau des connaissances et de la formation pour la prise en charge des personnes précaires. Par exemple, un médecin peut créer une barrière à la confiance de son patient en mettant systématiquement des gants, ce qu’il ne ferait pas avec un patient lambda, illustre-t-elle. Même les structures spécialisées ne sont pas forcément adaptées, puisque la consommation de substances addictives y est souvent interdite et que certaines personnes préfèrent éviter un sevrage forcé.» Selon la spécialiste, la quasi-totalité des sans-abri ont au moins une fois refusé des soins, leur santé passant souvent au second plan face à d’autres priorités, comme l’accès à la nourriture.

Le collectif et Médecins du monde alertent aussi sur la situation particulièrement tendue pour cette population à l’approche des JO 2024. Citant les expulsions de squats, les arrêtés interdisant les distributions alimentaires et les ruptures de contrats sociaux des hôtels – qui peuvent héberger des sans-abri contre rémunération de l’Etat –, la coordinatrice de l’équipe épidémiologique du collectif, Adèle Lenormand, assure que de tels déplacements déstabilisent les personnes qui en sont victimes et brisent le suivi social. A l’occasion des 20 ans du CMDR, pour rendre hommage mais aussi interpeller l’opinion publique, 9 500 noms de sans-abri décédés seront inscrits au «Mémorial aux morts de la rue» aux Buttes Chaumont, à Paris, à partir du 28 octobre.


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