Publié le 13/10/2023
Dans un contexte où le suicide tend à augmenter rapidement chez les jeunes en Amérique du Nord (lire l’article récent de Quentin Haroche sur un thème proche), The Canadian Journal of Psychiatry évoque les différences de taux de suicide liées au sexe parmi les adolescents âgés de 10 à 14 ans au Canada. Si les adolescents de sexe masculin connaissent historiquement des taux de suicide beaucoup plus élevés que les adolescentes, les auteurs notent que cet écart pourrait cependant se réduire en raison de l’augmentation des suicides chez des adolescentes.
Au cours des 40 dernières années, rappellent-ils, les taux de suicide déclarés chez les jeunes aux États-Unis ont augmenté de manière disproportionnée chez les filles âgées de 10 à 14 ans, principalement par pendaison et suffocation, mais aussi par auto-empoisonnement dans le groupe d’âge de 10 à 12 ans. Au Canada, les taux chez les filles de 10 à 14 ans ont également augmenté de façon constante, quand les taux chez les garçons sont demeurés stables ou ont diminué.
Cette tranche d’âge de 10 à 14 ans est marquée par le début de la puberté, une maturation cérébrale accélérée et une augmentation rapide des symptômes de dépression et d’anxiété. Ces années comportent aussi l’apparition courante de l’automutilation, chez des adolescents particulièrement impressionnables, avec une sensibilité accrue à la contagion sociale.
Une analyse à partir de registres canadiens
De 2000 à 2009, les taux de suicide chez les adolescents âgés de 10 à 14 ans au Canada ont diminué dans les deux sexes.
En 2009, constatent les auteurs, les taux de suicide ont divergé, demeurant stables chez les garçons, mais augmentant à un taux moyen de 7 % par an chez les filles, pour dépasser le taux des hommes en 2011. En 2018, le rapport des taux d’incidence avait plus que doublé, indiquant un taux de suicide plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
De nombreux facteurs pourraient contribuer à accroître la détresse psychologique des jeunes filles au Canada : par exemple, la proportion de filles d’âge scolaire signalant des symptômes compatibles avec la dépression -fortement liés au risque de suicide- est en hausse. Si les raisons profondes de cette tendance à l’augmentation du taux de suicide chez les jeunes filles restent méconnues, elles pourraient inclure l’accès aux services de santé mentale et/ou l’approche de la prévention du suicide. Autres facteurs pouvant avoir exercé un stress disproportionné sur les jeunes filles : les pressions croissantes de la société sous forme de stress familial après la crise financière mondiale de 2008, l’avènement des smartphones et l’omniprésence des médias sociaux.
L’évolution des normes de genre et des messages auxquels les jeunes filles sont exposées pourrait aussi influencer les taux de suicide. Les connaissances sur cette évolution démographique du suicide sont importantes pour éclairer les changements de politique et inverser cette tendance préoccupante, dans une stratégie de prévention du suicide au Canada.
Dr Alain Cohen
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