institut histoire et lumières de la pensée
olivier bétourné et élisabeth roudinesco, fondateurs
8 millions d’euros par an.
Telle était, en moyenne, le montant de la rémunération des patrons du Cac 40 en 2021 sil’on en croit le 23è Rapport que Proxinvest, cabinet de conseil aux actionnaires, a publié le 22 novembre dernier. 8 millions d’euros, cela représente tout de même une augmentation deplus de 50% par rapport à 2019 !
Certes, il est juste de remarquer que les résultats des 40 entreprises les mieux cotées en bourse ont été en forte progression cette année-là, avec 160 milliards de bénéfice. Du coup, expliquent les avocats du système, puisque sous la direction éclairée de leurs dirigeants ces entreprises se sont enrichies (soutenant ainsi la croissance nationale sur laquelle repose le financement de l’Etat-providence), nous aurions bien tort de nous offusquer de leur traitement : dans la mesure où la rémunération des dirigeants est fonction des résultats de l’entreprise (et elle l’est, en effet, à travers le système des bonus, stock-options, distribution d’actions gratuites et autre mécanisme d’intéressement), il est normal qu’elle progresse au même rythme qu’eux. En travaillant ainsi à l’intérêt commun, les patrons du Cac 40 devraient au contraire jouir de toute notre reconnaissance et recevoir nos meilleurs encouragements à poursuivre sur la voie de l’excellence française. L’augmentation de leur rémunération serait en quelque sorte le baromètre du bonheur national.
Cette morale (libérale) de l’histoire est facile à exposer, et nous l’entendons distillée, chaque jour ou presque, par les plus brillants éditorialistes de la plupart des chaînes d’information continue . Sans compter, ajoutent les plus dévoués à la cause, qu’à prétendre taxer les hauts revenus, imposer plus fortement les bénéfices, partager différemment la valeurajoutée au profit des salariés et au détriment des actionnaires, on prendrait le risque d’inciter les managers du Cac 40 et leurs mandants à déserter l’hexagone pour s’installer en terre plus accueillante au capital. Qui résisterait à la vision d’Apocalypse sollicitée par un tel prédicat ? Entrepôts désertés, usines désaffectées, régions ravagées par un accroissement sans précédent du taux de chômage, voilà ce qui nous attend si nous persistons dans nos prétentions irresponsables à l’heure de la globalisation du monde.
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