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lundi 5 septembre 2022

Journal d'épidémie Covid-19 : tout est en place pour qu’un nouveau variant plus agressif arrive, dans l’indifférence générale

par Christian Lehmann, médecin et écrivain  publié le 4 septembre 2022

Christian Lehmann est médecin et écrivain. Pour «Libération», il tient la chronique régulière d’une société suspendue à l’évolution du coronavirus. Aujourd’hui, il revient sur la disparition de la pandémie de l’espace médiatique et politique, alors que se profile une nouvelle vague.

On est arrivé à un tel stade d’effacement de la pandémie que j’ai dû vérifier avec des amis combien de vagues nous avions déjà essuyées, afin de pouvoir identifier correctement la prochaine, celle qui vient et que, comme d’habitude, on fait semblant de ne pas voir. Sept ? Huit ? Sans vérifier dans mon «Journal d’épidémie», je n’étais pas certain. David Simard, 49 ans, docteur en philosophie spécialisé dans la médecine et la santé, m’a refait la liste.

«Il n’y a pas consensus total sur la manière de compter le nombre de vagues. Si on se fie simplement aux tendances haussières et baissières de l’indicateur du nombre de cas positifs détectés, on a déjà eu huit vagues. En comptant la première, pour laquelle il n’y avait pas de tests en population générale. La première en février-mai 2020, la deuxième de juin à octobre 2020, la troisième de décembre 2020 à janvier 2021, la quatrième mi-février-mars 2021, la cinquième de fin juin à mi-août 2021, la sixième d’octobre 2021 à janvier 2022, la septième en mars, la huitième de juin à mi juillet. La prochaine serait donc la neuvième. Mais ce découpage part des inversions de tendance, ça raccourcit les vagues car les redescentes en font aussi partie. Ce n’est pas pertinent à mon sens. Si on regarde les hospitalisations en cours, on obtiendra un autre décompte. Par exemple, le haut plateau de l’hiver 2021 pourrait être considéré comme appartenant toujours à la seconde vague. Donc ça dépend des critères qu’on prend pour définir une vague.»

Pas de protocole

J’ai raccroché le téléphone, pris une grande inspiration, et décidé de m’en tenir au décompte le plus conservateur, en estimant qu’on avait déjà affronté sept vagues. On notera d’ailleurs le changement radical de stratégie du ministère de la Santé au printemps. Auparavant, Olivier Véran nous affirmait à chaque fois avec une mâle assurance que «cette vague pourrait être la dernière»ce qui ne mange pas de pain, et qu’il recycle aujourd’hui avec brio à son poste de porte-parole : «Nous sommes actuellement au pic de l’inflation.» Aujourd’hui, sous François Braun, le ton a changé : «Il y aura une huitième vague à l’automne, les autorités scientifiques sont formelles là-dessus. Ce qu’on ne sait pas, c’est quelle sera son ampleur… Je regarde tous les jours et les épidémiologistes aussi pour anticiper dès que ça va redémarrer, mais ça va redémarrer, et il y aura une campagne de vaccination à l’automne.»

La rentrée scolaire a eu lieu sans que personne n’ait confronté Emmanuel Macron à son énième mensonge de campagne, le 16 avril : «J’annonce que si les Français me font confiance à nouveau, nous lancerons immédiatement un effort massif de purification de l’air dans nos écoles, nos hôpitaux, nos maisons de retraite, et dans tous les bâtiments publics. Et vous en verrez les premiers résultats avant la fin de cette année.» Tout ce qu’on a vu jusqu’à présent, c’est une école qui peine à mettre un adulte hâtivement qualifié du titre d’enseignant devant chaque classe, la crise prévisible du recrutement liée à la puissante capacité d’anticipation du Président. «C’est le genre de créations d’emploi qui vont aggraver le déficit et qui ne servent pas à redresser le pays», disait-il en août 2020, ayant effacé dans les esprits l’absence de tout protocole sanitaire lors de cette rentrée.

«Faut bien vivre…»

On va donc «vivre avec» le virus, les crises écologiques, politiques et économiques prenant le devant de la scène jusqu’à la prochaine vague de contaminations. Cette dernière verra une nouvelle fois ressurgir les masques, trop tard, et se mettre en place avec le moins d’effort possible de l’Etat une nouvelle campagne vaccinale, dont on ne connaît pas encore les contours, les autorités sanitaires américaines ayant opté pour un vaccin bivalent ciblant la souche originelle et le plus récent variant omicron BA.5 en se basant sur les données d’innocuité et d’immunogénicité déjà évaluées pour les vaccins adaptés à BA.1, tandis que le régulateur européen s’en tenait à un vaccin ciblant la souche originelle et le variant omicron BA.1, plus ancien. Les premiers cherchent à battre de vitesse le virus en recherchant une protection contre un variant récent encore en activité, mais en s’affranchissant de la phase d’essais sur l’humain, quand les seconds privilégient la prudence… et étudient ce qui se passera outre-Atlantique avant de rendre un avis probablement en septembre.

«Quasiment tous les Français ont eu le Covid et pour ceux qui y ont échappé, ça ne durera pas», analysait récemment Bruno Lina, membre du défunt Conseil scientifique, dans les pages de Libération. On sait au moins à quoi s’attendre quand les personnes qualifiées censées représenter la santé publique martèlent encore, en août 2022 : «Nous sommes protégés des formes graves par l’immunité collective», face à une pandémie due à un virus dont les mutations entraînent des réinfections fréquentes, et alors que s’accumulent les indices préoccupants sur les conséquences à long terme de ces infections répétées, quand bien même la phase aiguë serait moins symptomatique. Tout se met parfaitement en place pour accueillir un nouveau variant plus agressif, dans l’indifférence générale, avec un gouvernement qui nous dira : «Oh mais faut bien vivre avec, tsé…»

Vous trouviez 2020 difficile, à prêcher un peu dans le désert ? Vous allez adorer 2022.


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