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mardi 6 septembre 2022

Diaporama Violences faites aux femmes : «Une chambre» à elles

par Camille Gharbi   publié le 1er septembre 2022

La photographe Camille Gharbi a suivi des jeunes femmes fuyant des situations de violences conjugales ou intrafamiliales au sein du foyer d’hébergement le FIT Une femme un toit, à Paris.

«Une chambre à soi» est une série tirée du livre Faire face de la photographe Camille Gharbi (1) qui a suivi, durant les années 2020 et 2021, des jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans fuyant des situations de violences conjugales, intrafamiliales, et/ou sexuelles, et hébergées au sein du foyer le FIT Une femme un toit, à Paris, le seul lieu d’hébergement en France exclusivement dédié à ce public particulièrement jeune et vulnérable.

Le témoignage de Martha : «Je suis née dans un village au Congo. Quand j’avais 16 ans, mon oncle paternel m’a donnée à mon ex-mari. C’était un business entre eux, j’étais un cadeau. Mon oncle c’est le frère aîné de mon père : il est colonel dans l’armée… Qu’est-ce qu’on peut faire contre lui ? Il avait dit à mes parents qu’il allait s’occuper de moi, de mon avenir, et il m’a donnée à son ami, un riche commerçant de 50 ans, une famille connue.

«Pendant deux ans, j’ai été séquestrée par cet homme. Il me battait tous les jours, me prostituait pour ses amis, me violait, me droguait. Je n’avais pas le droit de sortir, je ne voyais personne à part ses domestiques. Un jour, en allant prendre sa douche, ses clés sont tombées de sa poche. J’ai fait semblant de n’avoir rien vu et j’ai mis mon pied dessus. J’ai attendu qu’il parte et j’ai fouillé la maison. Sous notre lit, il y avait un tiroir avec une arme et une enveloppe d’argent. 4000 euros. C’était l’argent que lui donnaient ses amis quand ils venaient me violer à la maison. J’ai pris l’arme, j’ai eu envie d’en finir mais je me suis dit : «Non. Je suis jeune. J’ai l’avenir.» J’ai pris l’arme trois fois, je l’ai reposée trois fois. Et j’ai pris l’argent. Je l’ai scotché sous mon pyjama, directement sur mon ventre.»

Le témoignage de Michelle : «Je suis originaire d’Haïti. C’est loin tout ça. Je suis dans ce foyer depuis maintenant deux ans. Je m’y sens bien, j’ai tout ce qu’il me faut. Ça me fait bizarre de me dire, qu’un jour, il faudra partir. Ici, les éducatrices nous aident, on est entourées. J’ai peur à l’idée de devoir quitter cet endroit. J’avais des amies qui étaient là, avant, maintenant elles vivent toutes chez elles. C’est bien, mais je ne me sens pas prête. Depuis un an, je fais du fitness. Avant, je faisais du rugby mais j’ai dû arrêter pour des problèmes de santé. Mais ça va mieux, maintenant. Je travaille à Zara, depuis un an aussi. Je n’aime pas trop parler des raisons pour lesquelles je suis là, ça me touche à chaque fois. Ça me fait trop de peine. Dans le futur je veux vivre à Paris, je ne me vois pas vivre ailleurs. J’aime bien d’autres villes, comme Lyon, Nice… Mais je veux rester ici.»

Le témoignage de Salomé : «Moi, je suis parisienne, d’origine algérienne, mais je suis née en France, à Paris. J’ai plus trop de famille ici. Jusqu’à mes 21 ans, j’étais avec l’ASE [l’Aide sociale à l’enfance]. Mon père est en Algérie, ma mère est en Libye. J’ai ma grand-mère, mais ma grand-mère c’était pas facile avec elle. Je suis allée voir mon père en Algérie l’année dernière et, en rentrant, je ne voulais pas retourner chez elle parce que… je sais comment ça se passe. Enfin, je sais comment ça se passe depuis que… Il y a mes oncles, tout ça. Je voulais pas que ça se passe comme ça s’était déjà passé auparavant. Et je voulais pas demander de l’aide et devoir le payer par la suite. Donc j’ai galéré, mais c’est pas grave. J’ai dormi dehors, tout ça. J’avais pas à manger, j’ai dû voler quelques fois, pour manger, mais je ne le faisais pas tout le temps parce que j’ai pas envie de voler en fait. Se cacher, avoir la pression… Des fois, il y a des gens qui me donnaient à manger, et du coup ça allait…Ou bien des fois, je me privais… Mais bon là ça y est, c’est fini.»

La chambre de Myriam, 21 ans.

Son témoignage : «En Libye, j’ai été violée par le passeur. Là-bas, ils laissaient pas les femmes dormir avec les hommes donc quand je suis arrivée, il m’a emmenée dans une chambre avec d’autres femmes. Le lendemain, leur bateau était prêt pour traverser, je me suis retrouvée toute seule dans la chambre. Et la nuit, le passeur, il est venu. Je l’ai mordu, je l’ai tapé, mais il m’a menacée de faire venir d’autres hommes. Il m’a dit qu’ils ne m’avaient pas vendu parce que j’avais l’argent pour traverser, mais qu’ils pouvaient changer d’avis. Heureusement que j’avais l’argent de ma mère… Depuis qu’elle est décédée, on dirait qu’on m’a emmenée dans un enfer. Ma vie est un enfer.»

Le témoignage de Léna : «Je suis née en Russie, à Moscou. Jusqu’à mes 9 ans, j’étais à Moscou. Ensuite, on est partis en Géorgie, où mes parents sont nés. En 2012, on est arrivés en France parce que mes parents l’ont décidé d’un coup. On a rejoint la famille de mon père. On est d’abord allés à Angers, ça s’est mal passé avec la famille là-bas, donc on est venus à Paris au bout d’un an, en 2013.

«Pour moi, ce qui s’est passé, c’est qu’en arrivant à Angers, très vite ma mère a commencé à vouloir me marier pour qu’on obtienne des papiers. Comme j’ai du caractère, j’ai manifesté, j’ai dit : “Non, jamais de la vie!” Elle l’a pas accepté et elle m’a dit : “Puisque c’est comme ça, tu t’occuperas de ta sœur.” Ma sœur, elle a huit ans de moins que moi. Je m’en suis occupée comme une mère. J’étais comme une femme au foyer. Je l’amenais à l’école, en rentrant, je rangeais la maison, je faisais à manger pour tout le monde…

«Quand on est venus sur Paris, c’était pareil. Ma mère a recommencé à parler de me marier, elle me disait : “Je vais te marier avec lui, avec lui...” Il y avait des femmes qui venaient me voir à la maison, qui me regardaient de la tête aux pieds... J’avais l’impression d’être un objet, je déprimais beaucoup. Elles me disaient: “C’est très très bien, une fille doit être comme ça, aider sa mère, aider ses parents…” Moi, j’avais l’impression d’être en prison. Je n’avais pas le droit de sortir, sauf pour m’occuper de ma sœur. Mes parents ont refusé que j’aille à l’école quand on est arrivés en France, ils avaient peur que je change, que je me fasse draguer, que je devienne comme les Français… J’étais tout le temps à la maison.»

(1) Faire face, histoire de violences conjugales de Camille Gharbi, 194 pp., ed. The Eyes Publishing.

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