par Laure Equy et photo Théophile Trossat publié le 26 mars 2021
Marqué par la fin de vie de sa mère et militant de toujours du droit à mourir, le député auteur d’une proposition de loi sur l’euthanasie est convaincu que les Français y sont prêts.
Et si le moment était venu ? Olivier Falorni veut croire qu’une «majorité de conscience» peut se dessiner à l’Assemblée nationale pour adopter sa proposition de loi «pour une fin de vie libre et choisie». Le débat doit avoir lieu le 8 avril dans l’hémicycle et divise les députés LREM, nombreux à annoncer qu’ils voteront le texte malgré la réticence du gouvernement à avancer maintenant sur le sujet (lien Victor). Son auteur, élu du groupe Libertés et territoires, scrute de près leurs prises de position et se fait raconter par le menu leurs échanges à huis clos. Les yeux clairs, que plisse toujours son imperturbable sourire caché sous le masque, il s’efforce de ne pas s’emballer. Lui qui a «quitté il y a longtemps le camp des naïfs» a l’endurance tranquille des combattants de longue haleine.
Depuis le temps qu’il milite pour un droit à l’euthanasie, Olivier Falorni connaît les objections par cœur et ironise sur cette «procrastination imaginative». A ceux qui jugent malvenu de parler de fin de vies au moment où l’on s’échine à en sauver, le député de Charente-Maritime assure que son engagement n’a rien de morbide : «C’est un combat pour la vie, la conquête de l’ultime liberté», celle de choisir sa mort. A d’autres qui demandent l’évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016, il rétorque qu’on en voit «chaque jour les lacunes». Et critique un texte «qui fait l’autruche», inscrit dans une logique du «laisser mourir» quand il propose «une aide active à mourir».
Un texte à quatre mains
En témoigne, selon lui, le récent décès de Paulette Guinchard. Jeune socialiste et déjà militant de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), le Rochelais l’a rencontrée en 2005 à l’université d’été du parti, lors d’un débat sur l’euthanasie. L’ex-secrétaire d’Etat (PS) aux personnes âgées avait pris position contre sa légalisation. Malade et se sachant condamnée, elle est partie en Suisse pour recourir, début mars, au suicide assisté. «Elle est l’exemple d’une personne engagée dans la vie publique et sur la question du vieillissement et de l’accompagnement des gens, qui avait une conviction forte sur le sujet, rappelle Falorni. Elle croyait que la loi actuelle suffisait et s’est trouvée confrontée à une loi ne répondant pas à la situation qu’elle vivait.»
C’est la détermination d’une autre femme qui lui a inspiré la proposition de loi bientôt débattue. En 2016, Anne Bert demande un rendez-vous au député. Atteinte de la maladie de Charcot qui l’emmure petit à petit dans son corps, l’écrivaine a entrepris des démarches en Belgique pour une euthanasie. Avec Falorni, ils écrivent à quatre mains l’exposé des motifs de sa loi. Elle, qui sait précisément la date de sa mort, lui demande de déposer symboliquement le texte ce jour-là. «Vous vous sentez porteur de quelque chose», souffle l’élu qui avait écrit une première proposition de loi sous le précédent quinquennat.
«Son décès a renforcé ma détermination à me faire élire»
Lors de la campagne de 2012, le fidèle de François Hollande avait aussi œuvré pour inscrire dans le programme du candidat la promesse d’une «assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité». C’était du temps où Falorni était au PS. Aux législatives qui suivent, il l’emporte dans un duel âpre et rocambolesque face à une célèbre parachutée, Ségolène Royal. Le premier fédéral de Charente-Maritime n’avait, paraît-il, «pas démérité»… Mais ce 18 juin 2012, alors que ses soutiens l’acclament, Falorni n’a pas le cœur à la fête. Une autre soirée lui revient en tête. «Epouvantable, celle qui précède la dernière nuit». Un an jour pour jour auparavant, sa mère succombait à un cancer. Lui militait déjà pour l’aide à mourir. «Son décès a renforcé ma détermination à me faire élire. Je me suis dit qu’en tant que député, je porterais le sujet.» Lors d’une séance de questions au gouvernement en 2013, le député, qui a rejoint les radicaux de gauche, choisit d’emmêler à la première personne sa douleur de fils et son «devoir de législateur». Il dit «je l’ai vécu» et parle de «la souffrance absolue d’un être cher qui n’en peut plus de ne pas partir». Ces derniers temps dans les couloirs de l’Assemblée, ils sont nombreux à venir lui confier des épreuves similaires et tristement ordinaires qui touchent toutes les familles.
Certains d’entre eux sont prêts à voter son texte, en particulier parmi les 151 marcheurs qui ont cosigné en janvier la proposition de loi très proche de leur collègue Jean-Louis Touraine. L’élu LREM du Rhône, lui aussi très engagé, est décidé à faire adopter le texte Falorni. Les deux hommes, tous deux ex-socialistes, se connaissent bien et ont prévu de s’accorder sur les amendements. «Entre nous, il n’y a pas de revendication de paternité ou d’antériorité, on est animés par le même respect de tous les points de vue, ajoute Jean-Louis Touraine. On n’interdit rien à personne, on donne juste à chacun le droit de choisir sa fin de vie.»
Au sein de la majorité, le débat n’a cessé de monter. Face à ceux qui se sont exprimés pour une nouvelle législation (Yaël Braun-Pivet, François de Rugy, Hugues Renson), d’autres invoquent des problèmes de fond et de méthode. Ainsi d’Aurore Bergé qui estime que la proposition de loi porte «une vision extrêmement extensive»du sujet. «Une rupture aussi fondamentale dans notre droit doit être largement débattue et tranchée dans le cadre d’une campagne présidentielle. D’autant que ces sujets, on le sait, sont irrévocables. On ne revient pas en arrière», prévient la députée des Yvelines. On ne pose pas toutes les questions, on ne tire pas les fils jusqu’au bout lors d’un examen de quelques heures à l’Assemblée.» Pour Falorni, au contraire, ce débat vieux de quarante ans a mûri dans la société.«Dans la tête de certains politiques, il y a un fatalisme à penser que ce sujet, certes sensible, ne peut pas être consensuel.» Dans son téléphone, il garde la capture d’écran d’une enquête Ipsos de 2019, prêt à la dégainer pour prouver à ses collègues, tous bords confondus, que leurs électorats respectifs y sont prêts : 96 % des sondés se disaient pour un droit à l’euthanasie.
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