par Virginie Ballet publié le 19 mars 2021
Le pédopsychiatre Bruno Falissard salue l’allégement des restrictions et le couvre-feu plus tardif, tout en rappelant à quel point la situation est difficile pour les plus jeunes.
Un an de crise sanitaire, une troisième vague qui s’abat sur l’Hexagone, et un nouveau confinement – plus souple – pour plus de 20 millions de Français… La France va-t-elle tout droit vers la crise de nerfs, d’angoisse, ou pire, la dépression ? Pas si vite, rétorque Bruno Falissard, pédopsychiatre, membre de l’Académie nationale de médecine et enseignant à l’université Paris-Saclay, qui veut croire à notre capacité de résilience.
Le Premier ministre a insisté sur une volonté de «freiner sans enfermer». Cela peut-il atténuer l’impact de ce confinement ?
C’est plutôt une bonne décision, qui montre que le gouvernement a sans doute compris que les gens souffrent. Oui, il est important de s’aérer, de pouvoir sortir une heure de plus jusqu’à 19 heures pour profiter de l’ensoleillement. On sait aussi que le sport peut agir positivement sur des formes de dépressions légères. Disons que c’est moins pire que l’an dernier, et qu’un confinement dur aurait sans doute mis la tête sous l’eau à des gens qui ne savent pas nager. Mais dans le fond, être coincé chez soi dès 18 heures, c’était déjà une forme de confinement…
Un an après le premier confinement, sommes-nous moins sujets à l’anxiété ?
A l’évidence, on est au moins plus habitués. Le contexte n’est pas le même : ce nouveau confinement, on le voyait venir, tandis qu’il y a un an, c’était un choc. C’était la galère, mais malgré tout, même en mars 2020, on a aussi vu les Français se ressouder et multiplier les gestes altruistes, comme ils ont parfois su le faire après des situations traumatiques comme les attentats. Certains ont redécouvert le plaisir des jeux de société en famille, ou de faire leurs devoirs avec leurs enfants… Ce que je veux dire, c’est que tout n’a pas été si noir qu’on aurait pu le craindre : le nombre de suicides a baissé pendant les deux premiers confinements, peut-être parce qu’il est plus compliqué de se donner la mort quand on est confinés à plusieurs dans une maison. Le nombre d’hospitalisations pour tentatives de suicide a lui aussi diminué de 8,5% entre mars et septembre. En revanche, même si on n’a pas encore de données définitives, il semblerait que depuis octobre, les jeunes aillent de plus en plus mal, ce qui se traduit par davantage de passages aux urgences, ou des formes de décompensations comme des troubles du comportement alimentaire ou anxio-dépressifs.
Vous semblez particulièrement inquiet pour eux…
C’est évident. C’est la période où l’on construit sa vie de couple, sa tribu, à la fac, dans les bars, les restaurants… En outre, ils ne figurent pas parmi ceux qui vont pouvoir s’évader dans leur résidence secondaire par exemple, ni parmi ceux qui pourront se faire vacciner prochainement. On a d’ailleurs beaucoup évoqué le vaccin uniquement comme un moyen d’éviter l’embolisation des services de réanimation, mais c’est aussi un symbole, qui permet de revenir à une vie moins lourde. Il faut aussi noter que leur état a tendance à varier davantage que celui des plus âgés, et ce, dans les deux sens, sans doute parce que plus on est âgé, plus notre fonctionnement psychique est consolidé.
Est-ce que cette crise sanitaire a fait perdre à cette génération, et aux autres, une forme d’insouciance ?
Je crois que les 15-25 ans étaient déjà une génération citoyenne, engagée, inquiète, avec une intelligence sociale surdéveloppée, notamment autour des questions liées au climat ou au genre, ce qu’on voit à travers des figures comme Greta Thunberg. Je préfère voir l’aspect plus positif, et envisager l’émergence d’une forme de résilience. Ce genre de moments peut nous permettre, collectivement, de sortir plus sages, ou plus au fait de ce qui est important ou non dans la vie.
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