Virág est une ancienne députée écologiste retirée de la vie politique. Nóra joue de la basse dans un groupe d’amis. Elles se sont rencontrées en 2011 sur le parvis du Parlement de Budapest, pendant une manifestation contre le gouvernement conservateur de Viktor Orbán. Ensemble, elles choisissent d’adopter un enfant et réussissent malgré de nombreux obstacles. Après une longue lutte administrative, les deux femmes accueillent Melissza, fillette rom de deux ans et demi, victime de retards dans sa croissance motrice et cognitive.
“La vie d’une famille arc-en-ciel en train de se constituer”
Le documentaire hongrois Her Mothers (Anyáim Története en version originale, soit “L’Histoire de mes mères”), réalisé par Asia Dér et Sári Haragonics, est accessible depuis quelques jours dans plusieurs pays d’Europe, France exceptée, via la plateforme HBO Europe. Il relate le quotidien de Virág et Nóra, entre démarches d’adoption compliquées, autorités peu aidantes et doutes de jeunes mères. Présenté au dernier Festival du film et forum international sur les droits humains de Genève (un événement dont Courrier international était partenaire), le film sort alors qu’une loi anti-LGBT a été adoptée en Hongrie en décembre 2020, privant de facto les couples de même sexe du droit à l’adoption et définissant la famille comme une entité composée d’un père “qui est un homme” et d’une mère “qui est une femme”.
Dans un entretien accordé au magazine HVG, les réalisatrices racontent leur quête d’un couple acceptant d’être suivi au long cours et évoquent le contexte politique dans lequel s’inscrit le récit. Elles n’ont pas conçu leur film comme un brûlot, explique Sári Haragonics :
Nous sommes des cinéastes, nous pouvons nous battre pour cette cause avec nos propres moyens. Nous n’avons pas réalisé ce film pour obtenir que la loi soit amendée en brandissant un drapeau.”
Plus introspectif que militant, le film dépeint largement les interrogations des deux femmes sur leur maternité, leurs rôles respectifs et montre comment l’arrivée de Melissza bouleverse le couple. “Ce documentaire nous convie à une exploration sentimentale, appelle au dialogue, incite à la réflexion, et nous montre, sans fioritures, la vie d’une famille arc-en-ciel en train de se constituer. Ce portrait sincère incarne une arme très efficace contre les stéréotypes”, applaudit le site culturel Kortárs Online, saluant une œuvre “courageuse” et “inspirante”.
Un film touchant et plein d’amour
Stigmatisée par l’exécutif hongrois, la communauté LGBT bénéficie depuis peu d’un soutien de poids en la personne de Péter Gulácsi, gardien de la sélection hongroise de football. Le 23 février, le portier du Red Bull Leipzig a défendu publiquement les familles arc-en-ciel sur Facebook et Instagram en exhibant le symbole du mouvement pro-LGBT “Une famille est une famille” aux côtés de son épouse.
“Ce documentaire plein d’amour et touchant donne plus envie de fonder une famille que ne le ferait n’importe quel système d’allocations. Il montre à chaque minute qu’une famille est une famille”, affirme 24.hu, associant le slogan au propos du long-métrage. Le portail libéral budapestois insiste :
Son point de vue ne surprendra pas ceux qui ne se nourrissent pas de la propagande homophobe. Il pourrait à l’inverse apprendre à beaucoup qu’un couple lesbien est une union mûre confrontée aux mêmes dilemmes que les autres.”
Face à la montée du discours homophobe en Hongrie, où le président de l’Assemblée nationale assimilait l’homosexualité à la pédophilie en mai 2019, la famille s’est établie en Autriche, où Virág et Nóra se sont mariées, comme l’explique le documentaire. “Que leurs craintes soient avérées ou présumées, ces deux femmes ont eu le sentiment qu’elles ne pouvaient pas élever leur enfant en sécurité et avec la bénédiction de leur entourage au sens large en restant ici [en Hongrie]. D’où leur décision de déménager à Vienne”, résume Index.
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