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samedi 27 mars 2021

Covid-19 : « Darwin nous l’assure : le mutant qui s’adapte le mieux sera obligatoirement le vainqueur »

TRIBUNE

La théorie de la sélection naturelle ne permet pas de faire de prévision, rappelle l’exobiologiste Louis d’Hendecourt, mais elle enseigne qu’il n’existe qu’une seule réponse à la pandémie : empêcher au maximum le virus de circuler. Autrement dit, confiner strictement et vacciner simultanément.

Dans un centre de vaccination à Strasbourg, le 18 mars 2021.

Tribune. L’expérience que nous subissons depuis un an en matière de Covid-19 est une illustration parfaite et implacable, une quasi-leçon de choses, de ce qui est connu de la théorie de Darwin dont on oublie trop souvent les bases et leurs implications universelles.

Si l’évolution d’une espèce animale comme la nôtre peut paraître lente et Darwin, à tort, « hors sujet » à beaucoup, un virus se réplique à très grande vitesse et met en valeur le phénomène de la sélection naturelle darwinienne à l’échelle de quelques semaines seulement.

Toute réplication virale fait inévitablement des erreurs de copie qu’on appelle des mutations. Parfaitement aléatoires, strictement imprévisibles et, surtout, non déterministes, elles vont produire des mutants qu’on dénomme prudemment des variants, sans doute pour ne pas trop effrayer le public avec l’utilisation d’un mot très péjoratif dans la culture populaire mais qui n’a, de fait, aucun caractère particulier. La quasi-totalité de ces mutants n’aura en effet aucun avenir, incapables qu’ils sont de s’adapter mieux que l’original à un environnement donné et, donc, d’être sélectionnés par celui-ci.

Si un avantage sélectif est conféré à un mutant particulier, c’est tout simplement parce que celui-ci s’adapte mieux que le virus initial à cet environnement qui n’est autre que l’être humain. Depuis l’apparition officielle du SARS-CoV-2, il y a seize mois environ, plus de 16 000 mutations ont été répertoriées mais on ne parle que de quelques unités de variants − anglais, sud-africain, brésilien, japonais, californien, new-yorkais… − dont la caractéristique principale semble être leur plus grande contagiosité, qui est en fait leur raison darwinienne d’être effectivement détectés parce qu’émergents.

Mais alors, entend-on dans les médias : « Et ce variant, va-t-il gagner ? » Darwin est là pour nous l’assurer : le mutant s’adapte, et celui qui s’adapte le mieux et le plus rapidement sera obligatoirement le vainqueur et fera nécessairement disparaître le virus originel. Pourquoi donc ? Simplement parce qu’il se reproduit plus vite puisqu’il est plus… contagieux ! Mais alors, se dit le politique − dont les contempteurs n’ont pas compris l’imprévisibilité intrinsèque du phénomène −, « comment va-t-on faire ? »

Le b.a.-ba de la méthode scientifique

La vérité scientifique oblige à dire qu’il n’y a pas de réponse définitive à cette question existentielle. Ces mutations aléatoires ne peuvent être gérées qu’en comprenant l’essence même de la théorie de Darwin, son non-déterminisme absolu mais aussi la conséquence logique qui en découle : le pire n’est jamais sûr, même s’il faut s’y préparer. Il n’existe qu’une seule réponse au problème : empêcher au maximum le virus de circuler, donc de se dupliquer et de fabriquer de nouveaux variants, nécessairement liés à sa réplication, elle-même favorisée par sa circulation !

Autrement dit : confiner strictement et, simultanément, vacciner à tire-larigot tant que les vaccins sont encore efficaces sur les variants actuels et cela d’autant plus que les vaccins − ou n’importe quel traitement − augmentent fatalement la pression de sélection. Il faut donc éradiquer le virus. Pourquoi donc ? C’est simple : protéger les personnes à risque, c’est très bien ; empêcher l’engorgement du système hospitalier, c’est louable.

Mais ces deux motifs ne sont que la partie émergée de l’iceberg darwinien, cachant une réalité par définition totalement imprévisible. Si une mutation entraîne un virus plus létal et plus contagieux dans la population générale − jeunes et enfants compris −, on ne parlera alors plus de 3 millions de morts en un an, mais de centaines de millions en six mois. Cette prévision apocalyptique n’est qu’une hypothèse parmi d’innombrables possibilités que Darwin nous offre, mais ne nous permet absolument pas d’estimer la moindre probabilité.

Mais à ne jamais expliquer simplement à M. et Mme Tout-le-Monde les tenants et aboutissants d’une théorie scientifique plus que centenaire, avérée par d’innombrables observations, déductions et raisonnements − bref par le b.a.-ba de la méthode scientifique −, on laisse la voie libre à l’obscurantisme et à la défiance des citoyens.

En expliquant le fondement du darwinisme et en donnant à la population les clefs de la connaissance sur le mécanisme implacable d’une loi fondamentale de la nature, on redonnerait à la démocratie ses lettres de noblesse, celles de l’éducation et de la transparence de la finalité réelle de la lutte contre une terrible pandémie, ce défi lancé à l’ensemble de la population mondiale, et qui nous rend tous solidaires.

Louis d’Hendecourt est exobiologiste, directeur de recherche émérite au CNRS, Aix-Marseille Université. Il travaille sur le problème de l’émergence moléculaire de la vie dans un environnement planétaire dans un contexte darwinien.


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