Par Louise Couvelaire Publié le 28janvier 2021
Un comité interministériel à la ville doit se tenir vendredi, présidé par Jean Castex. A cette occasion, le gouvernement présente le premier volet de son plan « égalité des chances ».
C’est le geste « social » que les acteurs de terrain, les élus et les associatifs œuvrant dans les quartiers populaires attendaient depuis près de trois ans. Vendredi 29 janvier, à Grigny (Essonne), dans le cadre d’un comité interministériel à la ville (CIV), le premier ministre, Jean Castex, doit annoncer une enveloppe de 3,3 milliards d’euros destinés à financer une série d’actions en faveur des habitants des territoires urbains fragiles.
Education, sécurité, emploi et insertion, sport, logement, santé… Au-delà du milliard d’euros déjà alloué dans le cadre du plan de relance (soit 1 % des 100 milliards), 2,3 milliards d’euros supplémentaires seront attribués à ces quartiers, « avec des mesures concrètes, financées et applicables immédiatement », promet-on à Matignon, qui évoque une « mobilisation générale ». En sus, 2 milliards d’euros vont être ajoutés aux 10 milliards déjà prévus pour le second nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Cette annonce est présentée comme la première étape d’une stratégie évoquée par le président de la République, en septembre 2020. Destinée à promouvoir l’égalité des chances, elle est, selon Matignon, « l’un des grands marqueurs de la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron ». Le 25 janvier, le délégué général de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini, avait ouvert le bal en exposant dix propositions sur cette thématique lors d’un bureau exécutif du parti, parmi lesquelles la mise en place d’un « capital jeune », un capital de départ sous la forme d’un prêt de 10 000 euros pour se lancer dans la vie, accessible à tous les jeunes entre 18 et 25 ans.
Une plate-forme de lutte contre les discriminations
Le sujet est également inscrit à l’agenda présidentiel du mois de février, avec la mise en place d’une plate-forme – téléphonique et sur Internet – de lutte contre les discriminations. Annoncée en décembre 2020 par Emmanuel Macron, lors de son entretien sur Brut à propos des violences policières, elle devrait permettre aux personnes victimes d’actes discriminatoires (lors de contrôles policiers, de recherches d’emploi ou de logement…) de les signaler.
Trois ans après le rendez-vous manqué du « rapport Borloo », et alors que la crise liée au Covid-19 frappe durement les plus défavorisés, la séquence « politique de la ville » du plan Egalité des chances a des airs de séance de rattrapage. Deux cents maires avaient, le 14 novembre 2020, une nouvelle fois, tiré la sonnette d’alarme en voyant « le sujet des quartiers populaires et des politiques de prévention disparaître des radars pour être remplacé par celui du séparatisme », explique Catherine Arenou, maire divers droite de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines).
Avec cette réunion du CIV (la première depuis huit ans), présidée par le premier ministre, en présence de six ministres et ministres déléguées (éducation nationale, cohésion des territoires, transition écologique, sports, citoyenneté, ville), il s’agit pour le gouvernement de faire respecter le « en même temps » promis par le chef de l’Etat, lors du discours des Mureaux (Yvelines), le 2 octobre 2020.
« Nous avons été en partie entendus »
Les annonces du CIV interviennent au moment où le projet de loi confortant les principes républicains, censé donner des outils pour lutter contre le « séparatisme », arrive à l’Assemblée nationale. « Un an avant l’élection présidentielle, et alors que nous sommes dans une situation d’aggravation préoccupante de la pauvreté, ce petit virage à gauche, qui permet de présenter aux citoyens le visage d’un Etat protecteur, est un choix politique assez évident », analyse un observateur aguerri de la politique de la ville.
Depuis la crise sanitaire, le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a augmenté de 20 % dans certains quartiers, tandis que les demandes d’aide alimentaire ont bondi de 50 %. « Je n’attendais pas le grand soir, mais le petit matin, c’est le petit matin,réagit Philippe Rio, maire communiste de Grigny, dans l’Essonne. Nos demandes étaient le résultat d’un compromis, nous avons été en partie entendus. »
A Matignon, on met l’accent sur une quinzaine de mesures-phares à venir, qui seront financées avec l’enveloppe annoncée. En fait, il s’agit de renforcer un certain nombre de dispositifs déjà existants. Au-delà du volet purement sécuritaire qui prévoit la création de sept nouveaux quartiers de reconquête républicaine (QRR, ce qui portera leur nombre à soixante-deux) et l’arrivée de 180 policiers et gendarmes supplémentaires, le premier ministre annonce la création de six cents postes de médiateurs et éducateurs spécialisés. « Un petit pas pour la prévention », selon certains maires, qui avaient évalué les besoins à plusieurs milliers de postes.
« A ce rythme, on y sera encore en 2038 ! »
Pour lutter contre le « déterminisme et l’assignation à résidence », le gouvernement a choisi de reconduire le dispositif des « vacances apprenantes », appelé « quartiers d’été », mis en place à la faveur du premier confinement, et de multiplier le nombre des cités éducatives (il en existe quatre-vingts aujourd’hui) pour porter leur nombre à deux cents d’ici à 2022. Les objectifs affichés du gouvernement sont en deçà des demandes formulées par les élus : « Les cités éducatives sont un succès, cent villes sont volontaires, mais, à ce rythme, on y sera encore en 2038 !, s’exclame Catherine Arenou. Nous demandions quatre-vingts à cent nouvelles cités éducatives par an. »
Différents dispositifs liés à l’emploi – emplois francs, parcours emploi compétences, plan 1 jeune, 1 solution… – bénéficieront d’un coup de pouce de 810 millions d’euros, tandis que cinq cents nouveaux agents iront renforcer les rangs de soixante-six agences Pôle emploi. Parallèlement, le gouvernement prévoit une montée en puissance des « cités de l’emploi », conçues sur le modèle des cités éducatives.
C’est sur la question du logement social que les élus sont le plus dubitatifs. Non pas sur l’augmentation du financement du NPNRU, dont ils se félicitent, mais sur la stratégie du gouvernement, destinée à favoriser la mixité sociale. Matignon a annoncé vouloir inciter les communes comptant plus de 40 % de logements sociaux (cela concerne entre cent et deux cents villes) à diversifier leur offre avec de l’habitat social de classe supérieure ou de l’accession sociale à la propriété, « en jouant sur les autorisations de production ». « Le vrai sujet est celui des attributions de logements sociaux, estime M. Rio. Nous demandions notamment un moratoire interdisant de loger les plus pauvres dans les quartiers les plus pauvres et de les loger dans les villes qui n’offrent pas assez de HLM. »
Le Conseil national des villes (instance consultative placée auprès du premier ministre et chargée de participer à la conception de la politique de la ville) devra veiller à la mise en œuvre des mesures annoncées et à leur évaluation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire