Par Antoine Albertini et Lorraine de Foucher Publié le 28 janvier 2021
Le bilan révélé par le ministère de l’intérieur jeudi témoigne d’une baisse des vols et des cambriolages et d’une stabilité des autres violences.
Le bilan annuel de la délinquance présenté jeudi 28 janvier par le ministère de l’intérieur illustre les particularités d’une année 2020 marquée par deux longues périodes de confinement, du 17 mars au 10 mai, puis du 30 octobre au 14 décembre, entre promiscuité inédite, occupation quasi constante de lieux d’habitation et mobilité considérablement réduite. Le tableau chiffré des infractions dressé par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) rend logiquement compte des conséquences de ces épisodes. Il confirme également, sans surprise, une indiscutable tendance de fond : la recrudescence des violences intrafamiliales, redoutée des associations de prévention et de défense des victimes dès l’annonce du premier confinement, le 16 mars 2020.
C’est sous cette dénomination que la nomenclature officielle recense les mauvais traitements, abus divers, atteintes à l’intégrité physique ou à la dignité, chantages perpétrés dans le cercle familial, à l’encontre de mineurs ou de majeurs, que leur auteur ait ou non quitté le ménage. Déjà en augmentation depuis l’été 2019, conséquence probable du Grenelle des violences conjugales, qui « a pu inciter les victimes à davantage déposer plainte et favoriser un meilleur accueil par les services de sécurité » d’après le ministère de l’intérieur, ces infractions ont affiché en 2020 une nette hausse de 9 %, avec 131 200 faits constatés.
Et, si elles représentent plus de la moitié du total des coups et blessures volontaires enregistrés l’an passé (260 500), cette proportion ne suffit pas à témoigner de l’ampleur du phénomène : comme le démontrent systématiquement les études anonymisées menées auprès des Français, une large majorité de ces violences restent inconnues des services de police ou de gendarmerie, faute de leur être signalées.
« Chiffre noir » des non-déclarations
Une problématique identique se pose en matière de violences à caractère sexuel, chroniquement sous-déclarées et donc moins prises en compte, en particulier lorsque victimes et auteurs n’appartiennent pas au même foyer. Selon la dernière enquête « cadre de vie et sécurité » disponible (2019), menée chaque année par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP), « seules 12 % de ces victimes ont fait cette démarche sur la période 2011-2018 ».
En dépit de ce « chiffre noir » des non-déclarations, par définition impossible à établir de manière certaine, les résultats publiés par la Place Beauvau font état de 54 829 faits de violences sexuelles, soit une hausse relativement modérée de l’ordre de 3 % par rapport à 2019. Des bilans statistiques plus complets dont Le Monde a pu avoir connaissance permettent toutefois d’étoffer de tels éléments. Les données collectées au sein d’un « Indicateur d’efficacité des services de police et de gendarmerie » compilent par exemple 14 565 « atteintes sexuelles » supplémentaires relevant d’autres catégories pénales que le viol ou l’agression sexuelle et, par conséquent, exclues de la présentation effectuée par le ministère de l’intérieur.
Aussi le total de 69 394 cas d’infractions recensées en 2020 donne-t-il une mesure plus exacte de la situation, caractérisée en outre par la hausse du nombre de viols, que les victimes soient majeures (12 464, + 12,5 %), mineures (12 283, + 9,8 %), et peu importe le secteur géographique concerné. « Le nombre d’agressions et harcèlements sexuels, ainsi que le nombre de viols enregistrés par habitant, note à cet égard le ministère de l’intérieur, dépend peu de la taille des agglomérations. Le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées par les services de sécurité n’est en effet que légèrement moins élevé dans les zones rurales et les petites villes que sur le reste du territoire. »
Atteintes aux biens en baisse
Au rang des atteintes à l’intégrité physique sans caractère sexuel, la timide diminution de 4,4 % des faits constatés (423 455) ne rend qu’imparfaitement compte du contraste entre violences motivées par l’appât du gain, en forte baisse de 18 %, et violences non crapuleuses, d’un niveau pratiquement égal (– 1,1%) – celles-ci connaissant par ailleurs un taux d’élucidation de 74 %, 4,5 fois supérieur à celui des violences crapuleuses.
Finalement, le confinement n’aura eu d’effets positifs que pour les seules atteintes aux biens, caractérisées par une baisse sensible, de l’ordre de 24 % pour les vols sans violence contre des personnes et 19 % pour les vols sans arme, 20 % pour les cambriolages de logements, 13 % pour les vols de véhicules. Au plus fort de la crise sanitaire, lors du premier confinement, ces chiffres avaient même touché des plus bas historiques avec, notamment, une chute de 71 % du nombre des cambriolages. La baisse globale enregistrée au cours des deux épisodes de confinement de la population, observe le ministère de l’intérieur, « est particulièrement drastique pour les vols sans violence contre les personnes (– 58 %) et les cambriolages de logements (– 57 %) ».
Pour éclairantes qu’elles soient, de telles données doivent être passées au crible des habituelles précautions d’usage. D’abord parce qu’elles relèvent exclusivement, et par définition, de faits portés à la connaissance des services de police et de gendarmerie. En outre, certains résultats peuvent surtout traduire une attitude particulièrement proactive des forces de l’ordre dans la détection de certaines infractions, notamment en raison de consignes hiérarchiques subordonnées à des politiques pénales particulières comme la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Ultime biais statistique à prendre en considération, les faits signalés ont été enregistrés par la police et la gendarmerie au cours de chaque épisode de confinement mais ils ont pu être commis avant ou, à l’inverse, par la suite. Après ce premier état des lieux, le ministère de l’intérieur devrait publier au deuxième trimestre 2021 « un bilan complet » de la délinquance.
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