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mardi 12 mai 2020

Quand le déconfinement fait peur...

Par Antoine Marette   11/05/2020

Après les craintes liées au confinement, y aura-t-il une peur du déconfinement, des décompensations ? Alors que psychiatres, psychologues et psychothérapeutes ont notamment observé ces dernières semaines une très forte baisse des passages aux urgences et demandes de consultations, avant une reprise.
"Tout se passe comme si le Covid avait pris la place de toutes les pathologies quelles qu’elles soient. Comme si une espèce de chape avait envahi toute la pathologie. Tout le reste est passé en dessous" explique une professionnelle.
"Tout se passe comme si le Covid avait pris la place de toutes les pathologies quelles qu’elles soient. Comme si une espèce de chape avait envahi toute la pathologie. Tout le reste est passé en dessous" explique une professionnelle. Crédits : Klaus Vedfelt - Getty
Pendant huit semaines, les Français ont vécu les contraintes du confinement, avec plus ou moins de bonheur. Beaucoup en ont souffert. Certains y ont trouvé leur compte. Le télétravail a autonomisé de nombreux salariés qui ont parfois pris goût à cette forme d’autogestion. Le foyer a pu se transformer en cocon rassurant, à l’abri des contraintes et des pressions du monde extérieur. Se déconfiner, c’est rompre avec ce temps suspendu, ces habitudes parfois prises… C’est aussi peut-être la porte ouverte à des déceptions, car le déconfinement ne sera pas forcément à la hauteur des attentes. 

Où sont passés les patients ?

La surprise est de taille chez les psychiatres, psychologues et psychothérapeutes : au début du confinement, les patients ne se sont pas bousculés, malgré les nombreuses lignes téléphoniques mises à leur disposition et la possibilité de téléconsultations… L’offre s’est adaptée aux circonstances exceptionnelles, et pourtant, force est de constater que la demande n’a pas suivi, au moins dans un premier temps. Mathilde Brageot qui est psychiatre et addictologue à l’hôpital Tenon (Paris XXe) le confirme : "La majorité des patients sont désormais suivis par téléphone. Beaucoup n’osent plus venir, pour ne pas déranger, et surtout, pour ne pas être en contact potentiel avec le virus. Aux urgences, on a constaté un moment qu’il n’y avait plus du tout de passage, mais ça a repris", relativise-t-elle. Elisabeth Sheppard, psychiatre et présidente de la commission médicale d’établissement, confirme une très forte baisse des passages aux urgences et des demandes de consultations, que ce soit pour la psychiatrie des enfants, des adultes, ou des adolescents : "Tout se passe comme si le Covid avait pris la place de toutes les pathologies quelles qu’elles soient. Comme si une espèce de chape avait envahi toute la pathologie. Tout le reste est passé en dessous". 
Le constat est également net du côté de Gérard Hugeron. Ce psychologue clinicien et psychothérapeute de Rennes intervient notamment sur la plateforme d’écoute mise en place par la ville : "Mes patients se sont globalement peu manifesté pendant le confinement, ce qui a été une surprise. Certains patients ont pris de mes nouvelles mais peu ont manifesté des difficultés particulières. L’une m’a même dit : 'C’est le meilleur moment de ma vie, je n’ai jamais été aussi bien !'". Selon lui, il y a une logique derrière cette apparente contradiction : "Nos patients ne sont pas toujours très à l’aise dans la vie de dehors. Ce sont parfois des phobiques sociaux qui rencontrent des difficultés à sortir dans différents lieux, y compris au travail, et qui ont pu éprouver du soulagement au moment du confinement". Le confinement agirait donc chez les personnes en souffrance comme une sorte de cocon rassurant. Cette illusion d’une harmonie entre son monde intérieur et le monde extérieur pourrait-elle voler en éclats avec le déconfinement ? : "Je fais l’hypothèse que toutes les personnes qui ont des pathologies chroniques, qui semblent avoir disparu des radars, vont réapparaître". 

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