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vendredi 15 mai 2020

Pour SPF, le port du masque ne doit pas faire négliger les autres gestes barrières





Paris, le mardi 12 mai 2020 – Les contre-vérités sur les masques, les dissimulations concernant l’état du stock national, les atermoiements multiples des pouvoirs publics demeureront comme le symbole des erreurs et même des fautes du gouvernement dans sa gestion de l’épidémie actuelle. Cependant, s’il est impossible de dénier que la communication du gouvernement, clamant l’inutilité des masques ou fustigeant leur recours par la population, a été très certainement inspirée par la situation de pénurie et par l’impréparation qu’il tentait de continuer à cacher aux Français, il convient également de rappeler que les données scientifiques (contrairement aux données empiriques) sur les masques demeurent marquées par l’incertitude.

Que certains membres du gouvernement aient vu dans ces résultats contradictoires et peu significatifs une aubaine pour nourrir leur discours ou que quelques autres aient sincèrement voulu exposer la complexité de l’état des lieux scientifiques, ces limites existent.

Exercice subtil, voire dangereux

Elles sont rappelées (certains y liront un certain courage d’autres au contraire un manque de lucidité face à la nécessité d’un message clair et univoque dans la période actuelle) par une synthèse publiée la semaine dernière par Santé Publique France. La rédaction de ce texte est un exercice très subtil et on le sent très délicat pour à la fois signaler les limites des données scientifiques et en même temps éviter que cette présentation ne puisse à aucun moment être interprétée comme un message voulant minimiser l’intérêt potentiel du masque et surtout décourager les bonnes volontés.

Une habitude adoptée

Aujourd’hui, le port du masque est de plus en plus largement adopté par la population générale comme en témoigne une enquête menée par BVA pour SPF : « la proportion de personnes en France qui portent un masque dans l’espace public est passée de 25 % à 58 % entre le 23-25 mars et le 20-22 avril. La proportion de Français qui en portent systématiquement est passée de 15 % le 30 mars-1 er avril à 28 % le 20-22 avril ». Cette évolution apparaît comme un enseignement encourageant sur la prise de conscience des Français non seulement des risques liés à l’épidémie mais également d’une action et d’une responsabilisation possibles.

Pour éviter un recul, un relâchement, fallait-il se risquer à un louable exercice de transparence ? SPF, optimiste, a semblé considérer que la responsabilisation et la prise de conscience ne seraient pas affaiblies (et pouvaient même être renforcées parce qu’éclairées ?) par une information objective. Ainsi, dans cette synthèse, dont elle rappelle qu’elle a été établie rapidement et qu’elle peut être soumise à des évolutions liées à la publication de nouvelles données, l’agence relève que « Le port systématique de masques dans l’espace public pour réduire la transmission du virus SARSCoV-2 est discuté. Des études montrent une réduction modérée cependant non significative des infections respiratoires par le port de masque en communauté ». Plus loin elle détaille : « Une revue de la littérature récente de Brainard et coll. qui a porté sur des études observationnelles et interventionnelles, montre un effet modéré mais non significatif du port de masque en communauté sur la réduction des infections respiratoires. Cependant les auteurs concluent "qu’il n’y a pas assez d’évidence pour recommander un usage généralisé des masques comme mesure de protection contre le COVID-19". La revue de littérature de Jefferson et col. [16], mise à jour d’une revue Cochrane d’études menées durant l’épidémie de SRAS en 2003, qui porte uniquement sur des essais randomisés évaluant le port du masque seul, a montré l’absence de réduction significative des infections respiratoires (syndromes grippaux ou infections respiratoires confirmées par le laboratoire). Les auteurs ont conclu à l’absence de résultats en faveur du port du masque seul, sans autres mesures barrières. Cependant, dans leur discussion, les auteurs rappellent que les résultats d’études cas-témoins réalisées pendant l’épidémie de SRAS 2003 montraient un effet protecteur du port du masque chirurgical et des mesures d’hygiène, en comparaison à l’absence de port de masques. En revanche, les preuves manquent pour montrer l’intérêt de l’utilisation de masques chirurgicaux pour la protection des personnes potentiellement exposées dans l’espace public. L’absence d’estimation de l’efficacité épidémiologique de l’utilisation du masque en communauté rend très délicate l’interprétation des modèles mathématiques ayant intégré ce paramètre dans leur évaluation ».

La bonne utilisation, la généralisation et le respect des autres mesures barrières : des réflexes sans doute déterminants

En dépit de ces limites, qui existent plus encore concernant les masques alternatifs, Santé Publique France insiste : « Cependant, compte tenu du rôle possible des infections présymptomatiques ou asymptomatiques dans la transmission du SARS-CoV-2, le port systématique d’un masque dans les espaces publics pourrait contribuer à réduire la transmission dans la communauté. Quelques données de la littérature indiquent que les masques « alternatifs », à condition de répondre aux consignes de fabrication et de matériel utilisé et de respecter les mesures barrières, peuvent aider à réduire la transmission dans la population ». Dans sa « discussion », l’agence note encore qu’une efficacité accrue pourrait être liée à une plus forte généralisation et repose également sur une bonne utilisation des dispositifs. « Certains experts (…) recommandent un large usage populationnel du masque, comme cela a été fait à Hong Kong et en Corée du Sud, pays qui n’ont pas eu recours au confinement généralisé, même s’ils admettent qu’il n’est pas possible de connaître la contribution de cette mesure dans la réduction de la transmission. Ils indiquent que cette mesure pourrait relever du paradoxe de la prévention, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une mesure qui a un bénéfice collectif si elle est appliquée largement alors que la mesure ne profite que peu à chaque (…). Les études sur le terrain montrent que la compliance et la bonne utilisation sont des facteurs déterminants de l’efficacité des masques » relève ainsi l’agence. Surtout, SPF rappelle que pour optimiser l’efficacité du port du masque, il doit impérativement demeurer associé aux autres mesures barrières : distanciation sociale et lavage des mains.

Ainsi, fidèle à sa politique, Santé Publique France a fait le choix d’exposer les faits scientifiques qui devraient guider le pouvoir mais refuse de répondre à la question de l’obligation généralisée, préconisée par de nombreuses instances, mais face à laquelle les décideurs hésitent et qui est d’abord un choix politique. 


Aurélie Haroche

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