Par Orianne Hidalgo-Laurier publié le 7 nov. 2019
Jacqueline [ʒaklin], écrits d’art brut de Olivier Martin-Salvan © Raphaël Mesa
Avec cette pièce qui fait vibrer les mots d’hommes et de femmes internés, Olivier Martin-Salvan et Philippe Foch réalisent non seulement une prouesse d’interprétation mais oppose à la misère psychologique, idéologique et culturelle de la langue, un chœur viscéral, plein de chair et bien en vie.
Pour tout préambule, une anémone de mille tiges de bois se meut entre les barreaux d’une cage, jouant avec les rais de la lumière et les réverbérations métalliques. Au sol, à l’extérieur, gravite une masse multicolore et rampante. Et puis, la chrysalide éclot : un homme géant s’en élève, magnifié par les couches de vêtements bariolés, qui de cocon deviennent manteau, rehaussant sa longue barbe brune. Et d’une voix puissante : « J’ai eu trois maris, j’ai eu des trillions des billions d’enfants, entre autres une portée de 400. L’aîné s’appelle “Hurteran”. […] Ils sont en bas dans les bas-fonds, où on leur fait supporter des vices monstrueux. Ils ont le toupet de prendre mes enfants, de les cuire en pain et de me les donner à manger. […] Je suis le commencement du monde et j’ai vécu des siècles. » Le Chronos se racle le ventre nerveusement, fouille dans ses nippes. Ce qui naît sous nos yeux comme un conte, où le merveilleux côtoie l’angoisse, prend en réalité sa source dans les écrits qu’Olivier Martin-Salvan a exhumé de l’invisibilité voire de l’indifférence. Fouillant dans les archives de l’hôpital psychiatrique de Saint-Anne à Paris et puisant dans les Écrits bruts rassemblés par Michel Thévoz et publiés en 1979. Des textes « bruts » donc, auxquels le comédien et le musicien donnent chair et voix.
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