PAR
STÉPHANE LONG -
PUBLIÉ LE 08/11/2
019
Crédit photo : S. Toubon
L'interdiction totale de publicité pour les médecins et dentistes français n'est pas conforme au droit européen, selon une décision du 6 novembre 2019 du Conseil d'État qui vise à « contraindre » le gouvernement « de procéder à l'abrogation » de cette règle « devenue illégale ».
Ce n'est pas faute d'avoir prévenu : dès juin 2018, la haute juridiction administrative avait indiqué dans une étude que cette interdiction était « susceptible d'être affectée par l'évolution de la jurisprudence européenne ». La Cour de justice de Luxembourg a en effet acté en mai 2017 que les traités fondateurs de l'UE « s'opposent à une législation nationale (...) qui interdit de manière générale et absolue toute publicité » pour les dentistes.
En conséquence, le Conseil d'État recommandait alors d'abroger l'interdiction de publicité au profit d'une libre communication « non commerciale, loyale et honnête » par les médecins. Cela passait notamment par la publication d'informations relatives à leurs compétences, à leurs pratiques professionnelles, aux actes et activités pratiquées habituellement, aux formations obtenues dans le cadre du DPC, etc.
Début 2019, l'Autorité de la concurrence avait à son tour pointé « la nécessité de modifier à brève échéance » le code de la santé publique et rapportait que le gouvernement « travail(ait) à leur refonte (...) dans un délai de 6 à 12 mois ».
Vers une modification du code de la santé publique
La décision rendue mercredi par le Conseil d'État oblige désormais Agnès Buzyn à tenir compte de ce « changement de circonstances ». La ministre de la Santé avait rejeté en octobre 2017 la demande d'un médecin qui contestait ce refus « pour excès de pouvoir » et a donc finalement obtenu gain de cause.
Pour la plus haute juridiction administrative, dès lors que « l'acte réglementaire est devenu illégal (...), il revient au juge d'annuler ce refus pour contraindre l'autorité compétente de procéder à son abrogation ».
À charge pour le pouvoir réglementaire de définir de nouveaux « procédés de publicité compatibles avec les exigences de protection de la santé publique, de dignité de la profession médicale, de confraternité entre praticiens et de confiance des malades envers les médecins ».
Des centaines de sanctions ordinales bientôt illégales ?
Ce jugement a été salué par l'avocat Fabrice Di Vizio, à l'origine de la saisine du Conseil d'État. Il annonce dans un communiqué son intention de « poursuivre l'État et réclamer des dommages et intérêts pour tous les praticiens sanctionnés à tort ». Selon le juriste, cette décision du Conseil d'État rend illégale des « centaines de sanctions antérieures prononcées par l’Ordre des médecins sous le motif d’interdiction de publicité ».
Maître Di Vizio cite le cas d'un médecin de haute montagne, accusé d’avoir installé un panneau trop grand pour indiquer l’emplacement de son cabinet. « Il a écopé d'une suspension de plusieurs mois », explique l'avocat.
Stéphane Long (avec AFP)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire