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Boris Vallaud, le 27 août 2017 à Frangy-en-Bresse.
Photo Romain Lafabregue. AFP
Porte-parole du Parti socialiste et député des Landes, Boris Vallaud dénonce le fait que l'Etat fasse peser sur la Sécurité sociale le coût des mesures post-gilets jaunes et aggrave le déficit.
5,4 milliards d’euros attendus en 2019 et 5,1 milliards prévus pour 2020. Le «trou de la Sécu» fait son retour dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté ce lundi par les ministres Agnès Buzyn (Santé et Solidarités) et Gérald Darmanin (Action et Comptes publics). Il y a un an, ce dernier déclarait triomphant à la presse : «Depuis longtemps on parle du trou de la Sécurité sociale. Celui-ci est en passe d’être définitivement résorbé et c’est un point extrêmement satisfaisant.» Mais c’était sans compter des recettes plus faibles qu’attendues et surtout les conséquences de «mesures d’urgences» post-gilets jaunes – exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, annulation des augmentations de CSG pour certains retraités, primes exceptionnelles versées par les employeurs sans cotisations. Jusqu’à présent, lorsque l’Etat prenait des décisions qui touchaient au financement de la Sécu, il compensait sous forme de transferts. Mais ça, c’est terminé : «La sécurité sociale prendra à sa charge le financement des mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat», écrit le gouvernement, noir sur blanc, dans le projet de loi de finances pour 2020 adopté vendredi en Conseil des ministres. Boris Vallaud, porte-parole du Parti socialiste et membre de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’inquiète d’un gouvernement qui prendrait appui sur ce déficit pour justifier de nouvelles économies dans la sphère sociale.
Les comptes de la Sécurité sociale, loin d’un retour à l’équilibre, replongent dans le rouge. Quelle est votre réaction ?
Malheureusement, ce n’est pas une surprise : dès 2017, dans sa loi de programmation des finances publiques, le gouvernement avait décidé que les potentiels excédents de la Sécu viendraient combler le déficit de l’Etat. Le pillage en règle était annoncé. En revanche, lorsqu’il s’agit de déficits liés à des décisions du gouvernement, l’Etat ne compense plus ! C’est particulièrement injuste. Les comptes de la Sécu se retrouvent à nouveau en déficit alors que nous étions sur une trajectoire de retour à l’équilibre. Cela signifie que tous les efforts consentis depuis plusieurs années par les assurés sociaux ne serviront pas à dégager de l’argent pour financer les besoins dans l’hôpital, pour les personnes âgées, l’accueil de la petite enfance… Le gouvernement maintient volontairement la Sécu en déficit et on sent que Bercy veut mettre la main sur le ministère des Affaires sociales.
Selon vous, le gouvernement recrée le «trou de la Sécu» pour justifier de futures économies ?
C’est le risque. Avec en plus un aléa : en cas de retournement économique, la Sécu sera-t-elle en mesure d’absorber le choc puisqu’on sape ses recettes et on alourdit ses dépenses ?
En clair : l’Etat a décidé de prendre à la Sécu ses potentiels excédents mais de lui laisser ses futurs déficits…
Exactement. Ajoutez qu’il fait peser, par ses décisions, des charges nouvelles ! Les modes de financement de la Sécurité sociale ont besoin d’être sanctuarisés. Vous voyez bien la crise des urgences ! Comment va-t-on financer les plans d’aides annoncés ? On sent bien que pour ce gouvernement, le niveau de notre dépense sociale est trop élevé. Si, jusqu’à présent, l’Etat devait compenser certaines sommes à la Sécurité sociale, c’était aussi pour le responsabiliser : qu’il assume ses choix et ne les fasse pas peser sur les assurés.
Quelle est votre crainte ?
Qu’un certain nombre de réformes sociales ne soient pas financées correctement. Crise des urgences, manque d’accueil collectif des jeunes enfants, plan grand âge… Comment va-t-on financer tout cela ? Le gouvernement s’est privé de recettes en début de quinquennat avec sa réforme de la fiscalité de capital et la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le risque est aussi d’une Sécurité sociale qui change de nature avec des partenaires sociaux dont la place est réduite et des cotisations sociales qui diminuent, donc offrent moins de droits sociaux. Enfin, le gouvernement a demandé au conseil d’orientation des retraites de lui faire des propositions pour que le système de retraites retrouve son équilibre en 2025. Si les règles précédentes avaient été respectées, on aurait justement pu imaginer que les excédents de certaines branches de la Sécu viennent financer la branche vieillesse. Ce ne sera pas le cas.
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