Crédit Photo : S. Toubon
L'audition d'Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, sur le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé a fait salle comble.
Hier, durant trois heures, les ministres ont tenté de rassurer les députés de la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale du bien-fondé des réformes envisagées « pour garantir l'accès à des soins de qualité sur tous les territoires ».
Refonte des études médicales avec notamment la suppression du numerus clausus, structuration d'un collectif de soins dans les territoires via la création des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), instauration des hôpitaux de proximité, déploiement des outils numériques… Toutes les mesures sont regroupées dans ce texte composé de 5 chapitres et 23 articles, « volontairement resserré, pour enclencher des dynamiques ».
Ce texte va être examiné la semaine prochaine (a priori à compter du 12 mars) par la commission des Affaires sociales. Pour l'heure, les députés ont jusqu'à vendredi 8 mars pour déposer leurs amendements.
Ordonnances, financement des facs, pharmaciens...
Interpellée par le député (LR) Jean-Carles Grelier pour savoir si elle sera bien « au banc du gouvernement en première comme en seconde lecture pour l'examen de ce texte », la ministre, pressentie pour être tête de liste aux élections européennes a répondu… tout en esquivant la question : « Si j'ai accepté ce poste de ministre, c'est parce qu'il me semblait impératif de transformer notre système de santé. Ça a été une des raisons de mon engagement en politique […]. Ce projet de loi est issu de mon expérience professionnelle et les travaux des groupes de travail bien entendu, si je me suis engagée c'est pour le porter. Bien entendu, si je me suis engagée, c'est pour le porter », a-t-elle ajouté, sans préciser jusqu'à quand.
Pour ce qui est du contenu du texte, la question du recours aux ordonnances (recertification des compétences des médecins, statut unique de PH, hôpitaux de proximité, régime des autorisations d'activités et des équipements lourds, e-prescription, cadre juridique de l'exercice coordonné, revue des missions des ARS) est immédiatement revenue sur le tapis.
C'est le rapporteur général du projet de loi, le Dr Thomas Mesnier, député LREM de la Charente, qui a ouvert le bal : « Pourriez-vous nous préciser les modalités de ratification des ordonnances ? Pensez-vous pouvoir transformer certaines d'entre elles en dur dans le texte ? Ce qui serait vu très favorablement par la commission. »
Ce recours aux ordonnances est vivement critiqué par les députés de gauche (Parti socialiste, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine), qui regrettent « le contournement parlementaire » sur des réformes de fond. « J'entends les craintes. L'objectif est d'avoir du temps pour approfondir avec les acteurs concernés pour certaines réformes qui nécessitent des concertations. Je m'engage à travailler avec les rapporteurs pour inscrire certaines dispositions dans la loi en fonction des avancées des travaux », a répondu la ministre.
Jeu de dupe
Si la plupart des députés ont salué la suppression du numerus clausus, « le texte reste flou » sur un certain nombre de points selon le Dr Jean-Pierre Door, député LR du Loiret. « Les facultés et les CHU auront-ils les moyens pour recevoir les étudiants ? Comment se fera la sélection ? », dit-il. « L'augmentation du nombre d'étudiants formés nécessitera des moyens supplémentaires. C'est bien prévu que cela se fasse selon les capacités d'accueil des établissements. C'est cela qui fixera réellement le nombre de médecins formés », a expliqué Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur.
Quid des hôpitaux de proximité ? Quelles sont leurs missions ? Pour Joël Aviragnet, député socialiste de la Haute-Garonne, c'est « un jeu de dupe ». « Il n'y a pas de création mais de déclassement des CHU », a-t-il ajouté. Droite dans ses bottes, Agnès Buzyn a affirmé qu'il n'y a pas « de cartographie hospitalière venue d'en haut ». « On fait confiance aux ARS, aux élus locaux, aux professionnels de santé pour proposer des projets cohérents en fonction des territoires. Ce projet de loi ne doit être trop normatif pour permettre à chaque territoire de faire émerger les projets qui lui ressemblent. L'idée est de laisser les territoires faire des propositions d'organisation en fonction des acteurs de terrain », a tenté de rassurer la locataire de Ségur.
Concernant la proposition contestée par les médecins du Dr Thomas Mesnier d'autoriser les pharmaciens à délivrer directement certains médicaments prescrits sur ordonnance, la ministre s'est montrée prudente. « Nous sommes favorables à un rôle renforcé des pharmaciens dans les parcours de santé [...] mais je crois que cette évolution des rôles en termes de prescription doit nécessiter encore un peu de travail », a-t-elle indiqué.
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