| 04.03.2019
Les crises non épileptiques psychogènes (CNEP), la troisième cause de malaise avec perte de connaissance, entraînent une stigmatisation et une forte anxiété anticipatoire chez les patients concernés. Pourtant, des solutions existent, comme s'en est fait l'écho le colloque « Épilepsie et émotions: prendre le contrôle de ses crises » à l'Institut du cerveau et de la moelle (ICM) le 18 février.
« Avoir fait une crise non épileptique psychogène (CNEP), et non une crise épileptique, est une bonne nouvelle, a insisté la Dr Coraline Hingray lors du colloque Épilepsie et émotions à Paris. L'annonce du diagnostic est déterminante pour la suite, près de 30 % des patients ne font plus de crises. Il faut arrêter de stigmatiser et changer de regard sur les CNEP ».
Des ressources* (sites internet, plaquettes de la réponse du psy, guides, livre de self help) existent pour expliquer et faire connaître cette pathologie méconnue des médecins, y compris des spécialistes. « La psychoéducation et les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) donnent des résultats solides », a-t-elle souligné.
Une approche structurée, la méthode de Curt La France reconnue sur le plan international, s'est révélée efficace dans des essais randomisés : diminution de la fréquence des crises, qualité de vie, amélioration de la dépression et de l'anxiété et du fonctionnement psychosocial. Deux guides*, l'un pour le patient, l'autre pour le thérapeute, sont disponibles en France.
3e cause de malaise avec perte de connaissance
Les CNEP ressemblent à l'épilepsie à s'y méprendre : crises convulsives, perte de connaissance, perte d'urine. C'est la 3e cause de malaise avec perte de connaissance. Trois quarts des patients sont des femmes. Le diagnostic est difficile à poser et nécessite un enregistrement EEG d'une crise. La pathologie touche 100 000 à 150 000 patients en France et concerne à la fois des sujets non épileptiques mais aussi épileptiques.
« L'atteinte est fonctionnelle mais pas lésionnelle, a expliqué la psychiatre du CHRU de Nancy. C'est un trouble dissociatif paroxystique brutal où le cerveau déconnecte. Près de 75 % des patients rapportent un stress post-traumatique ».
Pour illustrer l'atteinte fonctionnelle, la psychiatre nancéenne utilise l'image d'une table de mixage où les boutons de réglage sont tournés au maximum. Le mécanisme dissociatif, qui est un mécanisme de préservation, va se déclencher de manière chronique et pathologique, à la faveur d'un stress ou d'émotions auxquels le patient ne peut pas faire face.
Lutter contre l'anxiété anticipatoire
Alors que les médicaments ne sont d'aucune utilité, l'imprédictibilité des crises peut finir par « grignoter la vie » par anxiété anticipatoire envahissante, qui pousse petit à petit le sujet à se couper du monde. « Les patients sont renvoyés de neurologues en psychiatres sans réelle prise en charge, a déploré Coraline Hingray. Ce sont des patients ping-pong ».
Pour la psychiatre nancéenne, le traitement doit avant tout être émotionnel. « Il s'agit de travailler sur les facteurs et émotions prédisposants, précipitants et perpétuants de ces crises », a-t-elle expliqué. La méthode LaFrance, notamment à l'aide d'un agenda des crises, aide les patients à identifier les émotions et les facteurs déclenchants, par exemple des difficultés relationnelles, des souvenirs de violences subies, des stress quotidiens.
Les patients sont également invités à identifier leur aura précise et à mettre en place des stratégies. Différents exercices pour reprendre le contrôle de ses crises peuvent être mis en place : augmenter sa vigilance et son attention, - par exemple en comptant à l'envers ou en se concentrant à taper sur l'ordinateur -, ou encore des techniques d'autohypnose, - par exemple visualiser les boutons des émotions, la jauge d'énergie, le bouton d'alerte - ou des exercices d'ancrage d'ici et maintenant. « Les patients doivent s'entraîner à éviter d'éviter, a insisté Coraline Hingray. Il ne faut pas se faire voler sa vie par la peur ».
Traiter les crises (non) épileptiques. Guide pour le thérapeute.
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