Au centre d’hébergement d’urgence de la rue Saint-Paul, à Paris, en février 2018. Photo Livia Saavedra
Alors que Paris va procéder à un décompte de ses SDF pour la deuxième année de suite, la démarche essaime dans d’autres villes. Et permet ainsi de mieux penser l’aide et l’hébergement.
Pour la deuxième année consécutive, Paris va compter ses sans-abri. Dans la nuit de ce jeudi à vendredi, plus de 2 000 personnes (des travailleurs sociaux aidés de bénévoles) réparties en 360 équipes, vont parcourir la capitale, rue par rue, recoin par recoin, à la recherche de personnes dormant dehors. L’an dernier, lors de la première édition de «la nuit de la solidarité», ce travail de terrain avait abouti au chiffre de 3 035 personnes vivant à la rue, étant entendu que 21 500 autres SDF étaient hébergés dans des structures d’accueil créées dans le cadre du «plan hiver», du «plan grand froid», ainsi que dans les centres ouverts à l’année, ou dans des hôtels par le biais des services sociaux. Les personnes dormant dans la rue ne sont donc que la partie émergée de l’iceberg de la grande précarité.
«Angle mort».
La semaine dernière, une opération similaire a été menée à Grenoble : 600 bénévoles ont sillonné dans la nuit du 30 au 31 janvier les artères de la préfecture de l’Isère et d’une dizaine de communes alentour à la recherche des sans-abri. Fin février (dans la nuit du 27 au 28), c’est la ville de Rennes qui comptera aussi ses personnes vivant dehors. Metz l’a fait en mars 2018.
Lors de ces recensements, chaque personne rencontrée donne lieu au remplissage d’un formulaire anonyme sur la base du volontariat. Confrontées au développement de la précarité, les grandes villes tentent de comprendre les processus qui mènent les gens à la rue, en analysant leurs parcours et leurs profils. «Nous considérons que l’expérience parisienne doit essaimer dans toutes les grandes villes, car aucune n’est épargnée par la question des sans-abri»,pointe Florent Guéguen, directeur général de la Fédération des associations de solidarité (FAS) qui regroupe les acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions (Secours catholique, Emmaüs, Armée du salut, Ordre de Malte, Aurore…). «Les SDF, c’est l’angle mort de la statistique publique. La dernière enquête de l’Insee remonte à 2012. Elle fait état de 143 000 personnes sans domicile fixe en France, en hausse de 50 % en dix ans. Depuis, plus rien. Or chacun observe que le nombre de personnes à la rue n’a cessé d’augmenter, ne serait-ce qu’en raison de la crise des migrants de 2015», ajoute Florent Guéguen. Fin 2018, la FAS et la Fondation Abbé-Pierre ont demandé au ministère du Logement un nouveau recensement des SDF par l’Insee. Refus «pour des raisons budgétaires» leur a-t-on répondu.
Faute d’une statistique publique régulièrement mise à jour au plan national, les associations d’aide aux démunis ainsi que des maires de grandes villes jugent nécessaire de procéder à des recensements locaux. «Ce qui est important, c’est de compter pour agir. J’ai découvert cela en allant voir en 2017 comment faisait la ville de New York. Le recensement permet de connaître qui sont les personnes à la rue et de mettre en place des politiques publiques adéquates», indique à LibérationDominique Versini, ancienne ministre, aujourd’hui adjointe à la maire de Paris, en charge de la solidarité, de la lutte contre l’exclusion et des réfugiés. Dans ce sens, les recensements effectués lors des «nuits de la solidarité» à Rennes, Grenoble, Metz ou la capitale contribuent à éclairer les pouvoirs publics. «En ce début du mois de février, 23 000 personnes sans domicile personnel [1 500 de plus que l’an dernier, ndlr], sont hébergées dans diverses structures à Paris [centres d’hébergement d’urgence, gymnases, hôtels…] pointe Dominique Versini. Aux personnes que l’on va trouver dehors lors de cette nuit de la solidarité, il va être demandé : "Avez-vous appelé le 115 ? Vous a-t-on proposé une place d’hébergement ? Etes-vous suivi par un travailleur social" ? Etc.»
Craintes.
Le recensement de l’an dernier avait permis d’établir que parmi les 3 035 personnes dormant dehors, 12 % étaient des femmes. Elles déclaraient ne pas aller dans les centres d’hébergement par peur d’être agressées par les hommes. Bien sûr, ces centres ne sont pas mixtes, comptent des espaces dédiés aux hommes et d’autres pour les femmes. Mais ce voisinage inspire des craintes. Depuis ce recensement, trois centres spécifiquement dédiés aux femmes ont été créés dans la capitale : un au sein même de l’Hôtel de Ville, un autre dans la mairie du Ve arrondissement et un dernier dans un bâtiment de l’Armée du salut.
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