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lundi 19 novembre 2018

Procès Séréna: déni, dénégation, maltraitance, de quoi a souffert l’enfant «du coffre» ?

Par AFP — 

«Déni absolu de grossesse», «dénégation d’enfant» ou «incapacité parentale» ? La cour d’assises de la Corrèze a exploré jeudi les ressorts psychiques, les clefs qui ont pu amener une «bonne» mère de trois enfants à cacher le quatrième aux yeux du monde, avec des soins a minima entraînant des handicaps irréversibles.
«Indemne de toute pathologie psychiatrique», «pas psychotique», manifestant «une certaine normalité», une intelligence «d’une bonne moyenne», «pas manipulatrice», et «absolument pas perverse». Mais aussi «très immature», présentant une «immaturité affective», et une «identité féminine floue et incertaine».
Décrite par les experts, la personnalité de Rosa Maria da Cruz, la mère de Séréna découverte en 2013 dans un coffre de voiture, n’a guère éclairé la Cour sur le «pourquoi» d’une affaire de dissimulation hors normes. Mais plusieurs experts, parfois s’opposant, en ont décrit les mécanismes, évoquant une «génèse» possible dans ses maternités traumatiques précédentes.
L’accusée a fait preuve d’un «déni de grossesse total», a estimé le psychiatre Jacques Bertrand. Un déni caractérisé par «l’inconscience de l’état de grossesse, l’absence de signe extérieur ou physiologique, par la transparence au regard de l’entourage, et par des antécédents similaires».
Ce déni de grossesse, a-t-il poursuivi, a été suivi d’un «déni d’enfant». Matérialisé, pour Séréna, par «la chosification de l’enfant», la «négligence de l’enfant», avérée s’agissant des 23 mois de confinement et mauvais soins et la «nécessité de +mise au monde+ symbolique par un tiers découvrant». En l’occurrence le garagiste qui trouva l’enfant dans le coffre.
Une autre experte parlera dans son rapport «de dénégation de grossesse». La dénégation, expliquera-telle, «c’est +je sais que je suis enceinte, mais je ne veux rien savoir». Idem pour la dénégation d’enfant. «Je le regarde, mais je m’en vais, je ne veux pas savoir».
Michel-Henri Delcroix, président de l’Association française pour la reconnaissance du déni de grossesse (AFRDG), évoquera à la barre le «déni total de grossesse», qui n’est levé qu’à l’accouchement, par un tiers, par l’environnement. Et pointera dans le cas présent, un «déni absolu» jusqu’à l’accouchement, seule. Un cas exceptionnel, selon lui, car non suivi de geste agressif, de néonaticide».
- «Enjeu de santé publique, pas fait divers» -
Parmi les nombreux experts entendus dans la semaine, Emmanuelle Bonneville-Baruchel, psychologue clinicienne et professeur de psychopathologie, est venue parler mercredi d’une «incapacité parentale», c’est-à-dire de compétences parentales avérées, - l’accusée est unanimement reconnue comme «bonne mère» de ses trois enfants - mais que l’on n’est pas en mesure de mobiliser.
Cette incapacité, a relevé la spécialiste, peut être chronique ou «momentanée», et «réactionnelle», liée à un «événement de vie» : la «conséquence du vécu de répétition d’un événement traumatique».
Car est revenu, à maintes reprises au procès, le premier déni de grossesse. L'«accouchement catastrophe» de son deuxième enfant, en 2004 au Portugal au terme d’un déni total, déjà, mais cette fois-là la famille sauva la mise.
Une présence de tiers qui aurait tout changé à la naissance de Séréna, comme aurait sans doute tout changé un suivi adéquat depuis ce premier déni, à fortiori depuis la naissance du 3e enfant en 2009, déni «partiel» réalisé au bout de 5-6 mois.
Mais le déni de grossesse «n’est qu’un symptôme, un comportement, pas une pathologie à part entière. Il n’est pas classé comme une maladie mentale», a souligné le Dr Bertrand. Et à ce titre, chez l’accusée, il n’y a pas de «raison psychiatrique d’invoquer une abolition du discernement».
Un «vide scientifique» que soulève la défense. Mais qui touche 1.600 à 2.000 femmes par an, selon des chiffres, tirés d’un débat parlementaire, évoqués au procès. Environ 1.000, selon le Dr Delcroix, venu plaider pour une meilleure prise en compte médico-judiciaire du déni, «problème de santé publique, pas un fait divers».
Rosa Maria da Cruz encourt 20 ans de réclusion, pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant. Séréna, en famille d’accueil depuis sa découverte en 2013, souffre d’un «déficit fonctionnel à 80%» et d’un «syndrome autistique irréversible».
Le procès se poursuit jusqu’à vendredi.
AFP

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