Les pauses en principe exclues du « temps de travail effectif », officielles mais aussi officieuses, ont pâti du passage de 39 à 35 heures, explique, dans sa chronique au « Monde », le juriste Jean-Emmanuel Ray.
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Question de droit social. Comme l’indique son étymologie, faire une « pause », c’est « arrêter ». Définies comme « un arrêt de courte durée sur le lieu de travail ou à proximité », les pauses sont en principe exclues du « temps de travail effectif ». Officielles mais aussi officieuses, elles ont donc pâti du passage de 39 à 35 heures. Nombre d’entreprises les ont alors réduites, ou exclues du calcul du temps de travail. Même si ce brave calcul comptable passe à côté de la vie d’un collectif : la pause-café crée du lien, permet d’échanger des informations professionnelles ou encore d’économiser des mails.
Des ouvriers, pendant leur pause, étaient tenus de rester dans un local vitré d’où ils devaient continuer à surveiller leurs machines
Issue de la directive communautaire du 4 novembre 2003, l’article L.3121-16 du code du travail indique que si « le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives » ; durée qui peut être augmentée – mais pas diminuée – par accord d’entreprise ou de branche. La « pause déjeuner » en est l’exemple le plus banal. Mais cesser le travail suffit-il à être en pause ? Certaines ne sont pas de tout repos, comme le montre l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 octobre 2018.
Dans ce restaurant, le chef de cuisine dispose d’une pause non rémunérée de quarante-cinq minutes pour déjeuner et dîner : mais il doit continuer à surveiller les commis. Ayant demandé en justice la requalification de l’ensemble de ces pauses en temps de travail effectif (et donc en heures supplémentaires), il a obtenu près de 90 000 euros : 46 146 euros de majoration salariale, et 38 687 euros de repos non pris. Des ouvriers avaient déjà obtenu la même requalification le 20 février 2013 : pendant leur pause, ils étaient tenus de rester dans un local vitré d’où ils devaient continuer à surveiller leurs machines.
Les limites du Code
Rien de surprenant, L. 3121-2 indiquant que « le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque (…) le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».
nombreux sont les travailleurs du savoir prenant leur pause en restant à leur poste, et rivés à leur écran
C’est sur ce dernier terrain que notre code conçu pour le travailleur manuel de la grande industrie montre ses limites. Car nombreux sont les travailleurs du savoir prenant leur pause en restant à leur poste, et rivés à leur écran ; mais ils jouent en ligne, regardent une série en streaming ou consultent leur messagerie personnelle.
Bien mauvaise idée en termes de sédentarité et de fatigue visuelle (« L’employeur organise l’activité du travailleur de telle sorte que son temps quotidien de travail sur écran soit périodiquement interrompu par des pauses ou des changements d’activité réduisant la charge de travail sur écran », R. 4542-4). Et donnant parfois lieu à contentieux, l’employeur ayant sanctionné ces évasions virtuelles : à tort, car pendant les pauses, le collaborateur doit pouvoir « librement vaquer à des occupations personnelles ». Dans le respect des règles de sécurité informatique de l’entreprise.
A soigneusement éviter, enfin, même si elles sont source de convivialité : les « pauses cigarettes ». Car outre les permanentes allées et venues perturbant les collègues, elles pourraient demain passer pour une incitation patronale. Et au nom du principe d’égalité si cher au cœur des Français (« Bianca descend deux fois par jour, pourquoi pas moi ? »), elles incitent des fumeurs repentis à rechuter pour s’échapper quelques minutes du bureau…
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