| 21.11.2018
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L'économiste de la santé Brigitte Dormont, professeur à Paris Dauphine, a déjà connu diverses passes d'armes avec la médecine de ville. Invitée ce mercredi des 8e rencontres sur le système de santé, à l'initiative des députés Jean-Pierre Door (LR) et Olivier Véran (LREM), elle a posé une fois encore un diagnostic sans fard sur l'organisation et la tarification de la médecine libérale.
Les inégalités sociales restent marquées en France, déplore l'économiste, malgré des soins de haute qualité. « Les personnes à bas revenus recourent moins aux soins, ce qui implique un diagnostic plus tardif des cancers et une moins bonne survie », illustre Brigitte Dormont. Cette perte de chance des patients est due en partie à une médecine de proximité « pas assez organisée », selon elle. « Il y a une injustice ou une promesse non tenue du système, il faut prendre cela au sérieux », juge l'économiste, qui a fait le rapprochement avec l'injustice exprimée par le mouvement des gilets jaunes.
Oui au salariat de généralistes
Interrogée sur la pertinence du plan « Ma santé 2022 », notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), Brigitte Dormont a souligné leur intérêt pour développer la coordination. « Mais pour le moment, c'est sur la base du volontariat, alors qu'il faudrait des incitations, pointe l'universitaire. On peut se demander quels seront les moyens mis en place et quel sera le cahier des charges pour ces CPTS. » Des négociations conventionnelles s'ouvriront début 2019 pour financer ces communautés (1000 CPTS en 2022) et inciter justement les médecins à les rejoindre. Des « missions prioritaires » leur seront confiées dont la réponse aux soins non programmés, l'accès aux consultations de spécialistes dans des délais raisonnables.
Les assistants médicaux sont, quant à eux, « une excellente idée »... pour améliorer la « productivité » des médecins libéraux, juge l'économiste. Et la mesure consistant à salarier 400 généralistes est « une bonne chose pour le court terme ». « Il faudra cependant un salaire attractif et un cahier des charges clairement établi », estime Brigitte Dormont.
Enveloppes en silos
Elle pointe aussi du doigt la distribution « en silos » des financements. « En ville, les dépenses sont faites en fonction de la consommation de soins, sans rapport avec les besoins. Tant que ce sera comme ça [la CNAM pour l'enveloppe de ville, le ministère pour les hôpitaux] on ne pourra pas améliorer l'accès aux soins ! », tranche la spécialiste.
Quant au paiement à la performance comme la rémunération sur objectifs (ROSP), « il a l'avantage de... réduire la part du paiement à l'acte » et de bonifier la conduite du médecin. « Face à un patient qui vient parce qu'il dort mal, au lieu de lui prescrire des somnifères et conclure la consultation en dix minutes, le médecin qui doit remplir un item sur l’iatrogénie médicamenteuse prendra plus de temps avec le patient », fait valoir l'économiste.
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