Disciple de Lacan, le psychiatre et dramaturge, fondateur du Coût freudien et de la revue « Insistance », s’est éteint le 17 novembre à Paris, à l’âge de 79 ans.
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Né le 16 juillet 1939, sous le patronyme de Didier, Alain Didier-Weill est mort à Paris, le 17 novembre 2018, à l’âge de 79 ans. Après des études de psychiatrie, il s’oriente vers la psychanalyse et suit une cure didactique, à partir de 1962, sur le divan de Jean Kestemberg (1912-1975), clinicien de la Société psychanalytique de Paris (SPP), juif d’origine polonaise, engagé comme médecin dans les Brigades internationales, puis résistant.
En 1969, paraît un sinistre pamphlet, L’Univers contestationnaire ou les nouveaux chrétiens (Payot), rédigé par deux membres de la SPP, Bela Grunberger et Janine Chasseguet-Smirgel, dans lequel les auteurs affirment que la contestation de Mai 68 ressemblerait à un camp de concentration – stalinien et nazi – destiné à détruire le patriarcat juif. Le complot étudiant, disent-ils, aurait été fomenté par des chrétiens, moins doués que les juifs pour soigner leur névrose œdipienne. En témoigne le rôle de Daniel Cohn-Bendit suspecté par les auteurs d’être un anarchiste et un mauvais juif christianisé.
Il adopte la technique lacanienne de la cure avec la certitude qu’il sera le meilleur dauphin du maître. Il devra déchanter
Outré par cet ouvrage – comme tous les psychanalystes de l’époque – Alain Didier démissionne avec fracas de la SPP et rédige un violent article dans Les Temps modernes pour dénoncer le brûlot. Il songe alors à reprendre le nom de Weill abandonné par son père durant l’occupation nazie. Il quitte le divan de Kestemberg pour celui de Jacques Lacan qui l’encourage dans sa démarche.
Dauphin déçu de Lacan
Au fil des années, devenu membre de l’Ecole freudienne de Paris (EFP), il adopte la technique lacanienne de la cure – séances courtes – avec la certitude qu’il sera le meilleur dauphin du maître, lequel l’invite souvent à parler à son séminaire. Il devra déchanter. Lacan choisit de laisser à son gendre, Jacques-Alain Miller, le droit moral sur son œuvre et même de faire de lui le coauteur de ses séminaires. Aussi bien Didier-Weill regarde-t-il comme une humiliation l’attitude de celui qu’il vénère.
En 1981, au moment de la dissolution de l’EFP, il choisit de fonder le groupe du Coût freudien (1983) et, en 1991, l’Inter-associatif de psychanalyse, fédérant dix associations.
Passionné de théâtre, de danse, de musique, parfois metteur en scène, Alain Didier-Weill est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’art, la religion, la psychanalyse, parmi lesquels Les Trois Temps de la loi (Seuil, 1996), Lacan praticien (coll. avec Moustapha Safouan, Flammarion, 2008). Avec Emil Weiss, il a tourné un documentaire Quartier Lacan (1996) dans lequel il donne la parole à certains des disciples du maître : Serge Leclaire, Jean Clavreul, Maud Mannoni, etc.
En 2002, il crée un mouvement et une revue, Insistance, réunissant des psychanalystes et des artistes. Cinq ans plus tard, le mouvement se transforme en compagnie théâtrale pour produire, à l’occasion de la Journée mondiale de la philosophie, un spectacle intitulé L’Histoire de la pensée des droits de l’homme. Ecrite par lui et « mise en espace » par Daniel Mesguich sur la scène du Théâtre de l’Unesco, cette pièce a pour objectif de présenter « la rencontre entre le sujet et les deux versants de la loi : la loi écrite et la loi symbolique ».
Ce mouvement, où se mêlent concepts lacaniens, dramaturgie et réflexions sur le monde contemporain, tenait à cœur à ce psychanalyste toujours soucieux de séduire un vaste public.
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