Depuis leur création en 2007, ces lieux, qui regroupent plusieurs disciplines, prodiguent des soins d’une nouvelle manière.
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C’est une avancée encore discrète mais elle pourrait un jour fragiliser l’exercice solitaire de la médecine libérale : depuis leur création, en 2007, les « maisons de santé » inventent, dans les territoires, une nouvelle manière de prodiguer des soins. Ces lieux, qui regroupent des généralistes, des infirmiers, des kinésithérapeutes et des sages-femmes, conçoivent leur travail de manière collective, horizontale et pluriprofessionnelle – trois adjectifs qui ne sont pas, tant s’en faut, au cœur de la tradition libérale à la française…
Dans les maisons de santé, le généraliste joue un rôle pivot, mais il travaille main dans la main avec les autres métiers : le parcours de soins des patients est discuté en équipe afin d’améliorer la qualité et la rapidité de la prise en charge. Le caren’est jamais loin : les soignants tentent, si c’est possible, d’éviter une hospitalisation quand le patient tient à rester avec son animal domestique et regroupent les rendez-vous afin de réduire les trajets sur des routes difficiles.
Une « troisième voie » ?
Pendant un an, Nadège Vezinat, maîtresse de conférences à l’université de Reims-Champagne-Ardenne, a étudié les 1 000 maisons de santé nées au cours de la dernière décennie. Leur « idéal égalitaire et collégial », selon le mot du sociologue François Dubet, constitue-t-il une « troisième voie » entre la médecine salariée et la médecine libérale ? Cette offre de soins parvient-elle à imposer son approche sociale et non hiérarchique dans un univers fondé sur l’exercice individuel ?
Dans les maisons de santé, les médecins généralistes ne sont pas les « chefs » des infirmiers ou des kinésithérapeutes : les professionnels, qui sont payés à l’acte, n’ont ni contrat de travail ni lien de subordination avec leurs collègues. « Les uns ne sont pas les employeurs (ou les employés) des autres », résume Nadège Vezinat. La Fédération française des maisons et pôles de santé insiste d’ailleurs sur la nécessaire collégialité des décisions : dans les instances, chaque soignant dispose d’une voix, et ce quel que soit son métier.
Coopération entre les métiers
Cette rhétorique n’abolit cependant pas entièrement les rapports traditionnels de subordination. Parce que le financement des maisons de santé est indexé sur le nombre de généralistes, les médecins restent, malgré l’horizontalité, les piliers du dispositif. La rémunération des réunions, la répartition des tours de permanence ou l’affectation des locaux génèrent en outre des tensions qui se soldent souvent par la victoire des médecins sur les autres soignants.
Les maisons de santé imaginent, malgré tout, un « travail plus collaboratif et horizontal » que celui de la médecine libérale. En partageant des locaux, en échangeant pendant des réunions, en établissant des protocoles, ces professionnels construisent une offre de soins fondée sur la coopération entre les métiers. « Les rapports de force sont la preuve de l’existence du collectif, conclut Nadège Vezinat. Les formes de relations au travail qui se déploient dans les maisons de santé donnent lieu à une dynamique de collectivisation de l’exercice médical. »
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